Cette année, à la bibliothèque Montriond de Lausanne, nous avons embarqué avec :
– quatre maisons de retraite (= EMS)
– un complexe d’appartements protégés
– une classe de jeunes émigrés en recherche d’emploi
– deux classes du secondaire par l’intermédiaire des bibliothécaires scolaires
– un groupe de femmes de l’association « Appartenance » (accueils aux migrants)

Les rencontres entre les jeunes et les aînés ont été très belles : les participants, contents, parlent déjà de la façon dont ils procéderont l’année prochaine. Ils ont tous acquis une belle autonomie et nous les suivons de loin en loin, après la présentation scénographiée.

lignelausLes rencontres entre le groupe de jeunes migrants et la Fondation de l’Orme (psycho-gériatrie) restent chères à notre cœur d’année en année. Lors de la présentation des 10 albums, tous semblent s’observer du coin de l’œil, puis, peu à peu, au cours des rencontres organisées par l’animatrice et le maître de classe, les contacts s’établissent avec une grande pudeur, les connivences s’installent.

Dans deux EMS, nous avons animé des lectures épicées. A chaque rencontre, alors que nous rappelions qui nous étions et ce que nous venions faire, il y avait deux ou trois dames qui ne se rappelaient pas de notre dernier passage, nous demandaient des précisions à son sujet et finissaient par s’exclamer que, bien sûr, elles ne pouvaient pas s’en souvenir, puisqu’elles étaient arrivées là il y a 3 jours à peine ! Néanmoins, à chaque rendez-vous, une certaine familiarité s’est installée entre nous et j’ai à chaque fois observé et été émue d’assister à l’éveil provoqué par les lectures.
Chacune des résidentes avait une histoire différente, face au livre et à la lecture : certaines avaient beaucoup lu, lisaient encore, d’autres pas du tout. Mais toutes se retrouvaient dans un même groupe et écoutaient ensemble la même histoire : c’est une expérience que nous connaissons dans l’accueil des classes, où des enfants de milieux différents reçoivent la même animation et réagissent chacun à leur façon. Cette fois-ci, nous l’avons vécu avec des aînés, de l’autre côté du chemin de la vie.
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Dans l’Indre, Karine, Nadine et Magali, bibliothécaires à Niherne et Villedieu ont joué ensemble la scénographie d’1, 2, 3 albums devant un public composé essentiellement de grands-mères et de leurs petits-enfants.
Idées à creuser pour la prochaine saison :
– organiser à la bibliothèque une dégustation familiale des albums où les enfants inviteraient leurs grands-parents (et leurs parents) et vice-versa. Faire la communication dans les écoles, dans les clubs d’ainés.
– annoncer et imaginer un bonus (à partager) pour ceux qui viendront en famille : un ruban-poème, une petite boîte (vidée de ses allumettes) avec une devinette ou une maxime, un extrait d’un des albums…
VML

Des échos reçus récemment, trois illustrent bien ce qui fait le fondement d’1, 2, 3 albums à savoir la transmission des histoires : lire pour soi et lire pour les autres. Et pas toujours dans le sens qu’on croit. Se rappeler des témoignages de l’an passé où des patients lisaient aux soignants, et des lycéens à leurs professeurs.

Passation entre pairs
Campus des métiers à Bobigny (93). Les cordonniers ont fait, dans leur atelier, bobigny atelierune lecture collective du Casque d’Opapi à des Bacs pro carrossiers, en présence de leur professeur de pratique et de l’assistante d’éducation. Ils avaient invité personnellement les autres enseignants. Aucun n’est venu. Très tendus au départ, ils ont fait une lecture de grande qualité avec une mise en espace qui reprenait les éléments de la scénographie (Papi + enfant + casque ) et les 2 portraits d’Oskar et Emile proposés par Livralire pour la lecture épicée. Très belle écoute. Félicitations des carrossiers :  » Bravo les 1G1 vous êtes formidables ». Echanges et goûter dans l’atelier que les carrossiers découvraient à cette occasion. Les cordonniers sont repartis en serrant la main aux adultes et fiers comme des pierrots. L’un d’eux a dit qu’il a envie de recommencer : « Vous comprenez Madame, je lis jamais, j’aime pas ça. C’est bizarre !  »

Passation des enfants aux ainés
Le Creusot (71). Après plusieurs répétitions en classe creusotverreavec la bibliothécaire, les enfants du CM de l’école de la Charmille sont allés à la rencontre des résidentes du Parc des Loges pour leur présenter Un Verre en lecture épicée. Le groupe des résidentes à beaucoup apprécié la venue de la classe, d’ailleurs l’une d’entre elles avait prévu un sac d’oeufs en chocolat pour les enfants. Tout le monde a trouvé ce temps de partage un peu trop court. C’est pourquoi pour la prochaine séance, les enfants présenteront deux albums : La guitare de Django et Le Pilote et le Petit Prince.

Passation des ainés aux enfants
Semur en Brionnais (71). Les ainés de l’ EHPAD Bouthier de Rochefort sont des voyageurs au long cours. semurecoleCette année, à l’initiative de leur animatrice, certains résidents sortent avec un album et le partagent avec les élèves de l’école au nom magique : l’Ile aux enfants. Deux messieurs sont venus avec Murielle présenter Un verre. Un autre jour, deux dames sont venues avec Les cinq malfoutus. Les personnages de carton, repris de la scénographie et faits par les ainés, vont ainsi petit à petit aller de la résidence à la classe. Au final, les jeunes viendront à l’EHPAD jouer un album.

Dernier jour de la semaine lecture partagée des albums au collège Mathurin Régnier pour 170 élèves, 30 bénévoles, 13 professeurs, 16 heures de lecture (2h par classe).

coffrechartres15h30 : les élèves arrivent. Leur professeur leur a annoncé une animation au CDI.
La lecture est loin d’être leur activité préférée mais c’est plutôt cool pour une dernière heure de cours ! Et puis Mme Pommereau, la documentaliste, a souvent des idées loufoques qui les font rire. Des adultes sont là, un groupe d’OVNI ou plutôt d’AVPI (adultes pas vraiment identifiés) avec lesquels les élèves vont lire les albums.

Je me retrouve avec Daryl et son copain. On s’installe, on ne fait pas vraiment connaissance, juste les prénoms. Pas la peine, on sait pourquoi on est là. On feuillette le livre en regardant les illustrations. On essaie de comprendre, pas facile. L’album parle de lecturechartresDjango Reinhardt, moi je connais un peu, Daryl et son copain pas du tout. Alors, on se décide à visionner sur l’ordinateur, un petit documentaire qui le concerne. Et là, alors qu’on se connaît juste depuis cinq minutes, on se met à partager, partager la découverte de ce personnage, chacun avec notre histoire et nos connaissances. Et on apprend ensemble. Vite, on retourne à l’album ! C’est moi qui lis. Caryl dit qu’il aime les musiciens.
Il prend un carton vert (j’aime). Il écrit. Je ne regarde pas, c’est personnel. On se dit merci, au revoir.

C’est déjà fini, les élèves sont partis. Je ne vois plus que le petit carton de Daryl. Une belle guitare est dessinée dessus.fil2 Il se balance au bout de son fil rouge au milieu d’une  forêt d’autres petits cartons. Une image s’impose à moi: des cerisiers en fleurs dans un temple bouddhiste, des centaines de petits papiers multicolores accrochés sur leurs branches, ondulent sous le vent. Les visiteurs y ont écrit leurs espoirs. Merveilleux souvenir de Chine…

Daryl et son copain, une rencontre, rapide et fugitive, qui ne restera sans doute pas dans leur esprit, mais une rencontre ! Un de ces petits et irremplaçables moments de bonheur.

Cathy, une retraitée, lectrice d’une heure

Trois semaines après la lecture partagée avec Cathy, Daryl (5e Segpa) confie à Claire, la documentaliste :
1, 2, 3 albums,  ça m’a plu, parce qu’on parle des livres. Dans les livres, il y a de l’action, des sentiments. Et il y a des personnages qui sont bien. J’aime bien les livres qu’on a choisis : les 5 malfoutus, et Django. Celui avec la guitare, ça m’a vraiment plu. Cathy nous a fait écouter la musique, j’ai aimé ça. Jouer de la guitare avec 3 doigts, c’est un truc impossible, et il a réussi à le faire. Ce serait pas pareil sans les dames, on comprendrait moins bien. On est plus concentré quand il y a les dames, on est moins stressé. A l’école, souvent, je suis stressé. Non, j’ai pas oublié la lecture. Une fois, à la télévision, y’avait de la musique, j’ai un truc qui revient à la mémoire. Ça m’a fait penser au livre de Django.

Jeudi 15 mai à l’Hôtel Dieu de Mâcon.
hdieumix80 personnes dans une même salle.
Le monde en réduction : des jeunes, des adultes, des aînés, des bien portants, des personnes à mobilité réduite, des handicapés, des beaux visages, d’autres abîmés, des peaux de toutes les couleurs, des bavards et des taiseux. Hormis la dame en fauteuil roulant, lectrice à voix haute qui a une diction remarquable (normal, me confiera-t-elle, j’étais institutrice) que Gilles, l’animateur, conduit régulièrement s’approvisionner à la médiathèque, très peu lisent. Les trente jeunes du collège Schumann sont en SEGPA et les résidents (Ehpad + long séjour) loin des livres. Et pourtant trois albums les réunissent : Toujours debout, Emile, le petit fifre, Le Rossignol et l’empereur de Chine.
Ils font ensemble une lecture polyphonique, légèrement imagée, des trois albums, devant une quarantaine de patients et quelques agents hospitaliers.

tjsdeboutLe rendu pourrait certes être amélioré : un découpage en séquences, une mise en image plus intense aideraient le public à se représenter l’histoire (je partagerai mes suggestions par la suite avec tous les voyageurs). Mais l’essentiel n’est pas là. Il est dans l’investissement de chacun : le duo de dames qui chaque année annonce par un panneau le nom de l’album ; le monsieur qui joue Manet puis l’empereur de Chine, celui qui manie la tronçonneuse ; les ados qui, énergiquement accompagnés par leur professeur de lettres, d’art plastiques et la documentaliste ont vaincu leur trac et ont progressé dans la lecture.

jlebrunLes jeunes, souvent moqués au collège par leurs pairs, peuvent être fiers. Eh oui, comme dit cette jeune fille, on a redonné le sourire à des aînés.
Les lecteurs âgés peuvent être fiers. Ils témoignent de la vie dans le grand âge. Des jeunes ne s’y sont pas trompés. Un groupe est venu plus tôt pour voir une dame très affaiblie qui ne pouvait quitter sa chambre et d’autres ont dansé avec le roi du jour.
En faisant quelque chose ensemble, ils ont grandi en humanité.
VML

Au campus des métiers (93) nouvel épisode de lectures partagées avec, cette fois, des apprentis cordonniers.
Rencontre 1 :
Lecture libre : chacun est invité à lire au moins un album de son choix puis à donner une impression.
Succès de Brindille : Elles ont peur les filles aujourd’hui, c’est pour ça qu’elles combattent. C’est une fille qui a du courage pour se déterminer dans la société.
Intérêt pour Un rêve sans faim : Pas drôle mais beau message.
Incompréhension de Va-t-en guerre : Elle n’a pas de sens cette histoire. Pour faire la guerre, il faut être deux.
Brainstorming autour du mot lire :
S’informer- transporter- rechercher-courir- évasion- mal aux yeux -culture générale- voyage -chant -perte de temps -pleurer -plaisir -rêver –ennuyer- s’instruire- chanter- découverte –action- courage -volonté – comédie – analphabète- aventure- cancre- plaisir – mission

Rencontre 2 :
Préparation de la lecture polyphonique de Brindille sur la base de la lecture épicée de Livralire.
Les jeunes sont motivés. Celui qui, au départ, ne veut faire que le gong, demande à lire. Un élève ultra faible percute tout ce que je lui demande de faire et est de loin le plus investi. C’est un très bon moment d’échanges et de « rigolade ».

Rencontre 3 :
Le lendemain, petite frayeur. Aux deux premiers cours de la journée, deux élèves dont le narrateur sont absents. Et leur professeur de cordonnerie vient sur un jour où il n’a pas cours normalement ! Le coup est-il prémédité ? Ils arrivent à l’heure dite, 10h, fiers comme des paons! Ils sont excités et impatients. On descend à l’atelier de pratique.
brindillecreteil1Très concentrés, les sept font leur lecture de Brindille, devant leur professeur de cordonnerie, leur assistante d’éducation référent et le CPE qui, emballés, ont eux mêmes envie de lire l’album. S’en suit un très joli moment d’échanges et de convivialité au milieu de leurs affaires et du matériel. Mehmet explique à son prof qui veut prendre une photo que Mickaël et Okan n’ont pas d’images dans les mains parce que ce sont les narrateurs. Clin d’œil avec collègue : tiens donc, ils ont assimilé quelque chose de la construction d’une fiction.
On partage un gâteau que j’ai fait. Enzo me remercie en me disant qu’il aime bien ces moments de convivialité et de partage. Je confirme : 1, 2, 3 albums crée du lien.

Ce n’est pas fini
Le professeur de pratique est super content. On prend rendez-vous pour la semaine suivante pour lui faire une lecture de Paris-Paradis ! En plus, il nous prête sa guitare pour une séance prévue avec les agents de sécurité autour de la Vie des gens. C’est une autre histoire …
Cécile BEYER, documentaliste, Centre de Ressources, Campus 93

A Noiron sous Gevrey (21), commune de 950 habitants, le voyage est intergénérationnel.
Quarante-six élèves de CM1- CM2 ont :
– lu les albums d’octobre à décembre
– préparé la scénographie en janvier avec  la bibliothécaire
– réalisé en classe leur portrait à la façon de La vie des gens
porté une lettre à un de leur voisin de plus de 60 ans,  le plus souvent une personne qu’ils ne connaissent pas mais dont on avait  recensé la liste. L’invitation (texte dessous) précisait d’apporter un objet en lien avec sa vie.

Nombreuses ont été les personnes qui ont répondu et qui sont venues.
Après la scénographie, les enfants ont pris leur portrait et sont allés à la rencontre des adultes en leur disant : « Je te lis mon portrait et tu devines l’objet que j’ai choisi ».
Puis ce fut le tour des adultes, étonnement à l’aise, qui se sont installés au milieu des jeunes, tels des conteurs. Un ancien représentant parle de ses pinceaux en soie de cochon. Un monsieur dit qu’à 12 ans il a reçu son plus beau cadeau : une montre. Sont cités un vélo, des aiguilles à tricoter, une poupée. Les enfants écoutent bouche bée. La complicité est palpable.

Des excusés ont envoyé des textes très détaillés qu’on prendra le temps de lire dans un second temps.  Un recueil des textes des enfants et des textes des adultes sera mis à disposition à la bibliothèque, afin que tous puissent en profiter.
Rendez-vous est pris pour une lecture épicée commune après les vacances.
Sabrina Malsert, bibliothécaire

pour découvrir le texte de l’invitation de chacun des enfants aux seniors de la commune Lire la suite