En lisant aux élèves L’expédition, nous avons, la documentaliste et moi, mesuré combien la mise en voix de l’album le mettait en valeur. C’est un texte à dire à voix haute, pas seul(e) dans son coin.

Une fois l’album partagé, nous avons proposé à chacun des voyageurs :
– d’imaginer où, pourquoi et avec il partirait.
– de réaliser un petit bateau avec « quatre bouts de bois, deux bouts de ficelle » et d’inscrire sur les voiles la destination « En route pour » et la motivation « Pour »

Puis, lors d’une pause méridienne, nous avons offert cette lecture épicée à tous les élèves et au personnel du collège qui le souhaitaient. Des collègues sont venus, le principal aussi. Les invités ont, à leur tour, construit un bateau de papier avec justification et nom du cap à atteindre.

La lecture et l’atelier origami ont créé une complicité entre élèves et adultes, appréciable et appréciée de tous.

Delphine NAUCHE, professeure de français au collège de Pont-de-Vaux (Ain)

Nous utilisons les lectures épicées pour travailler l’oral (aisance, posture, voix) et la fluence avec nos élèves de 6e.

Une lecture est préparée pendant une heure par un groupe puis présentée la semaine suivante au deuxième groupe. Ils ont pour consigne de lire plusieurs fois leur (petit) texte à la maison et ils le font car leur lecture est plus fluide, leur voix plus assurée la semaine d’après. Les élèves sont vraiment motivés et adorent cette activité.

Nous avons travaillé de la sorte : Hokusai et le Fujisan et Regarder les Mouches voler. Le texte est redécoupé pour permettre à tous d‘avoir quelques lignes de lecture. Un adulte (ma collègue documentaliste ou moi-même) assure la partie la plus importante.

Pour Regarder les mouches voler, j’ai réduit les interviews de façon à ce que l’élève de 6e ne soit pas affolé par la taille du texte et j’ai joué le rôle de Jeanne. Chaque élève devait apporter un objet ou un dessin qui représente le bonheur pour son personnage : une clé à molette pour le mécanicien, un livre de cuisine, un doudou pour Hugo qui dit que le bonheur est doux, une tablette de chocolat, un cœur en origami…L’objet était glissé ensuite dans une « boite à bonheur » – une grosse caisse avec une affiche –  ce qui nous permettait de revenir sur les différentes sources de bonheur après les interviews.

Puis nous avons demandé aux élèves d’écrire 5 petits bonheurs : 5 moments récurrents dans leur vie qui les rendaient heureux. Nous mettrons prochainement en forme leurs propositions.

Delphine Nauche, professeur de lettres, collège de Pont-de-Vaux (Ain)

Après chaque lecture épicée, je fais raconter oralement aux élèves l’histoire qu’ils ont vue et entendue, de sorte qu’ils puissent, ensuite, en appréhender au mieux le sens, la portée.

L’étape suivante du feuilletage de l’album, en petit groupe, redouble alors d’intérêt. Connaissant déjà le texte, les élèves lecteurs portent une attention féconde aux illustrations.

Ainsi, à la dernière double page de l’Expédition (ci-dessus rognée), a-t-on repéré, en haut, à gauche, un nuage qui prend la forme de l’héroïne de l’album, son habituelle pipe vissée aux lèvres. Son enfant a grandi, sa propre expédition commence : son voilier file sous l’œil bienveillant de sa mère, bien présente dans son esprit, ses pensées, qu’elle soit déjà morte ou encore vivante.

Emmanuel DELORME, professeur de lettres / Collège Camille Chevalier – Chalon-sur-Saône

A la médiathèque de Saint-Maur dans l’Indre, nous proposons quatre fois par an, en partenariat avec le service Jeunesse de la ville, des ateliers intergénérationnels : jeux intérieurs et extérieurs, cuisine et lecture partagée.
Les volontaires s’inscrivent, souvent en binôme familial (un enfant, un grand parent). Nous veillons à avoir la parité entre jeunes et adultes.

Celui sur la lecture se déroule en trois séances : deux pour préparer une lecture épicée d’1.2.3 albums, une pour la partager avec un public.
Cette année, nous avons choisi de jouer l’Expédition.
Les huit participants, quatre jeunes de 10-11 ans, Maxime, Inès, Emma et Marine et quatre adultes, Marie-Anne, Colette, Maryse et Gérard ont :
– formé un duo autre que familial
– choisi la tranche de vie de l’héroïne de l’album qu’ils voulaient raconter
– fait deux répétitions à la médiathèque
– partagé le 18 avril la lecture avec quinze résident.e.s de l’Ehpad.

Le succès a été à la hauteur de l’investissement des lecteurs. Mieux, des liens se sont tissés pendant le goûter servi par les enfants, qui ont ensuite raccompagné les ainé.e.s. Spontanément, ils ont proposé aux résidents de revenir à titre individuel pour lire dans leur chambre.

Au troisième trimestre,  en plus d ‘être parrains de lecture, ils seront colporteurs d’histoires : avec leurs complices adultes, ils ont décidé de faire aussi une lecture à leurs pairs du centre de loisirs.

Karine Chalumeau-Berberian, responsable de la médiathèque Raymonde Vincent (Saint-Maur-36)

Après la lecture épicée puis la lecture cursive de l’Expédition, j’ai invité les résident.e.s à choisir un verbe qui leur parlait. Au fur et à mesure les langues se sont déliées et les souvenirs croisés. Ils ont été unanimes : « les verbes on les a tous vécus ! »  Exemples :

DONNER. J’ai beaucoup donné dans ma vie pour ma famille, les voisins, les collègues.  Mais j’ai beaucoup RECU en échange.
Dans notre enfance, on avait peu mais on savait AIDER sans contrepartie.
AIMER. J’ai aimé mon mari et mes enfants. J’aimais mon travail à la ferme, surtout m’occuper des petits veaux.
CHANTER.  Ma voix s’est éteinte. Ici je ne fais que fredonner, en souvenir du temps où je chantais de l’opérette en public à Narbonne.
TENIR BON. Toute jeune mariée, pas facile de vivre sous le même toit que mes beaux-parents.
BATAILLER. Artisan ou paysan, il fallait travailler sans relâche pour gagner de quoi vivre.
TRACER. Moi à 16 ans mon père m’a dit :  tu as le brevet. Tu peux devenir fonctionnaire. J’ai fait toute ma carrière à la Poste avec la sécurité de l’emploi et une paye chaque fin de mois.
REVER. Je rêve très souvent que je vole.
VIEILLIR, c’est accepter d’être diminué. C’est avoir la chance comme ici de ne pas être seul.
JOUER. On jouait beaucoup, enfants à l’école, plus tard avec nos petits-enfants.
PENSER. Assise dans mon fauteuil, je vois défiler le passé. Je pense surtout à mes grands-parents.
VOIR. Je revois très souvent une scène marquante pendant la guerre. Trois soldats allemands arrivent dans notre ferme pour cuber le foin réquisitionnable pour leurs chevaux. L’un d’eux tend à ma petite soeur un bonbon. Ma mère d’un regard noir lui fait comprendre qu’elle doit refuser. L’homme sort alors d’une poche intérieure une photo de sa femme et ses deux enfants.
Pendant la guerre, à la campagne on a beaucoup AIDER de gens en route vers la zone libre. On les cachait dans l’écurie.

J’aurai aimé que des jeunes entendent ces bribes de vie partagées spontanément et sans amertume.

VML

 

Au village bleu de Talant ( 21), la lecture de certains albums est l’occasion d’ouvertures artistiques sous la houlette d’une médiatrice culturelle qui propose un atelier aux résidents.

C’est tout naturellement à l’art japonais qu’elle a initié les seniors après la lecture d’Hokusai et le Fujisan. Ils ont réalisé une vague avec la technique du pochoir et ont colorisé un modèle d’estampe d’un autre artiste japonais du 18e siècle, Suzuki Hanenobu.

Ces réalisations et les prochaines autour de Il était une fois une forme et Regarder les mouches voler seront partagées avec les collégiens de Talant.

Elodie Rignault, accompagnatrice de vie sociale.

A la suite de Jeanne l’anthropologue-intervieweuse dans l’album Regarder les mouches voler, Livralire nous suggérait d’organiser des rendez-vous réguliers pour parler du bonheur. Nous avons adopté cette bonne idée avec les élèves de la classe UPE2A (Unité Pédagogique pour Elèves Allophones Arrivants).

Pendant 4 semaines, la séance du lundi a débuté par un rituel : une lecture à voix haute d’extraits de l’album de Claire Garralon. Les élèves ont apprécié ce rendez-vous, écoutant avec attention toutes ces propositions : regarder l’océan, le vol des oiseaux, communiquer avec les autres, être libre…

Nous leur avons demandé ensuite d’écrire chacun ce qu’est pour eux le bonheur et d’illustrer leurs propositions en image, musique, vidéo… Ces jeunes migrants ont ainsi travaillé le lexique et la syntaxe de leur nouvelle langue d’apprentissage et se sont emparés avec enthousiasme d’un nouvel outil numérique.

Voici leurs propositions, regroupées dans un livre multimedia (cliquez sur la couverture). Au fil des pages, se dessinent en filigrane les portraits de : Sayed, Karyna, Abdullah, Yadani, Toma, Sukina, Rejaul, Ahmad, Mykyta, Milad, Mikaela, Matilda, Fatoumata, Ali, Farzana.

Odile et Marie-Hélène, Lycée V. Larbaud à Cusset (03)

On ne peut présumer de l’intérêt et du succès d’un album auprès de son public. Pour preuve, le retour de Marianne Ecochard, professeur au collège Camille Chevalier à Chalon-sur-Saône.

Mes élèves allophones sont très intéressés par Nicky &Vera. Ils se sont interrogés sur le sens du choix de Nicky de ne pas dire ce qu’il avait fait. Leurs explications les ont amenés à évoquer le caractère exceptionnel de son acte et à explorer la notion d’héroïsme.

Ils ont naturellement fait le rapprochement avec l’album Je n’ai jamais dit (1.2.3 albums #15) qu’on avait partagé précédemment.

Maintenant, nous allons préparer pour d’autres élèves du collège la lecture épicée que nous compléterons d’une frise chronologique des événements racontés dans l’album.

Quand, en janvier 2023, Emmanuel Delorme fait découvrir à ses 6e les couvertures détourées des huit albums #17, leurs yeux s’écarquillent et les langues se délient. Ce professeur de Lettres ne peut imaginer que le regard aiguisé des jeunes sur les illustrations du printemps d’Aubaka va le surprendre et, du coup, occuper plusieurs séances de travail.

La couverture est parlante. Des gardes avec leurs hallebardes encerclent « un garçon au bouquet » qui porte des braies. L’histoire doit se passer au Moyen-Age… sauf que, en regardant de plus près, ça « cloche » : à cette époque, il n’y avait ni chéneaux, ni rambardes aux escaliers. Les garçons ne portaient pas de blousons, les enfants de shorts. Les doudous n’existaient pas et les filles n’avaient pas de coupe au carré !

L’anachronisme est détecté et laissé en l’état jusqu’à ce lundi de mars qui emmène à nouveau la classe entière à Aubaka.

Les élèves découvrent l’histoire via la lecture épicée jouée en « live » par des élèves désignés, avec le professeur en narrateur. Je présente le décor, j’introduis les personnages et je choisis des bruiteurs. Je donne quelques consignes (la construction et déconstruction du mur de kaplas, la rumeur, l’échappée du village). Le « spectacle » commence et se déroule au mieux. J’avoue être épatée !

Un élève résume l’histoire dont le message est ensuite décrypté collectivement : « S’assurer de la véracité des informations avant de les propager ». « Avoir confiance en soi pour ne pas se laisser raconter n’importe quoi ».

Ensuite, pour prolonger, approfondir et tenir compte de l’anachronisme détecté en janvier, Emmanuel a dressé une liste d’objets, de constructions et de vêtements d’hier et d’aujourd’hui. A certains élèves réunis le mercredi matin et répartis en petits groupes de les repérer et de les noter sur des post-it au fil des pages des quatre albums mis à disposition. Si besoin, ils ont un dictionnaire pour les mots inconnus comme « oriflamme », « chéneau », « redingote ».

Le vendredi, toute la classe revient à Aubaka. En quatre groupes, tous les élèves feuillettent les pages, découvrent et finissent le repérage des indices – en trouvent même d’autres. Emmanuel les invite à une recension collective dont il dresse la liste au tableau. On s’aperçoit qu’il y a plus d’éléments modernes que moyen-âgeux !

Qu’est-ce qu’on a voulu nous dire ?
La soi-disant menace annoncée par le roi est un mensonge que d’autres politiques ou citoyens ont utilisée en d’autres temps et autres pays. La méthode n’est pas nouvelle et même d’actualité comme le fait remarquer Emmanuel qui rappelle le conflit en Ukraine initié par Poutine ! Gardons-nous d’affirmer des faits ou de colporter des informations sans les avoir vérifiés.

Espérons que l’enseignement de cette histoire restera vivant chez les élèves.

Pour Emmanuel et moi, c’est leur acuité visuelle qu’on n’oubliera pas. On les a remerciés de nous avoir inspirés cet atelier de lecture d’images et, de fait, d’avoir saisi la portée des illustrations de Pierre-Yves Cezard qui, au départ, avouons-le, ne nous emballaient pas.

On vous encourage à faire de même avec votre public en utilisant la liste des objets, constructions et vêtements, disponible sur le drive (Lectures épicées / printemps Aubaka lecture d’images-26 mars).

Véronique avec Emmanuel

COMMENTAIRE DES EDITEURS :
Merci beaucoup de nous avoir fait connaitre ce travail d’équipe réalisé avec Emmanuel Delorme et ses élèves. Félicitez-les de notre part.
C’est effectivement l’angle que nous avions proposé à l’illustrateur au départ : mixer des éléments moyenâgeux et contemporains pour montrer que l’utilisation de la peur et de la désinformation par le pouvoir est une réalité depuis fort longtemps et est toujours d’actualité. Nous sommes contents que les illustrations de Pierre-Yves Cezard, secondé par Caroline Taconet, aient finalement été appréciées.
Utopiquement,
Didier et Zad

Bruno Pilorget, illustrateur, notamment de Il court, était à Loudéac (Côtes d’Amor) dans le cadre du printemps des livres. Le 10 mars, il est venu au collège à la rencontre d’élèves embarqués dans 1.2.3 albums : le matin, une classe d’IME en intégration puis, l’après-midi, une classe ULIS.

Il a parlé de son métier et répondu aux questions des élèves. Il leur a proposé de dessiner comme lui une tortue et Naoki le héros de la Grande vague. Ce conte, toujours disponible (Elan vert, 14,20 €) a été écrit par Véronique Massenot pour faire connaître le célèbre tableau du peintre Hokusai, artiste que les jeunes avaient découvert dans Hokusai et le Fujisan.

Les élèves s’en souviendront.
Alena : « Trop bien la journée avec Bruno Pilorget. Merci. »
Wesley : « Monsieur Pilorget ferait un bon professeur d’arts plastiques et il dessine trop bien. J’aimerais bien faire son métier. »

Brigitte Poilvert, CDI, collège des Livaudières, Loudéac (22)