J’ai découvert, choisi, lu et relu les albums sélectionnés cette année pour 1,2, 3 albums et, à la faveur de cette période de confinement, je m’aperçois que ce voyage-lecture n’a peut-être jamais aussi bien porté son nom, au sens propre comme au sens figuré.

Les personnages des albums voyagent en effet beaucoup. Syms / Simon et Charles Darwin (Le Voyage de Darwin) sillonnent le monde dans leur bateau. Tantale (Moi, c’est Tantale) passe d’un continent à un autre. Iris (La Princesse au don perdu) explore toutes les régions de son royaume.

Bien sûr, le voyage est parfois beaucoup plus court. Adjoa (Tiens-toi droite) transporte sur sa tête d’un village à l’autre les denrées qu’il lui faut livrer ou aller chercher. Jeanne-Marie (Un Jour particulier) va de son village au champ où les femmes de sa famille ramassent les restes de la récolte. Philémon et Baucis (Philémon et Baucis) vont, eux, de la vallée où ils vivent à la montagne qui la surplombe. Il est même parfois encore plus court : la femme du potier (La Femme du potier) passe de sa cuisine à l’atelier de son mari !

Pourtant, c’est bien un véritable voyage que les uns comme les autres accomplissent, dans le sens où chacune, chacun se voit irrémédiablement transformé.e par celui-ci.

Il est en effet question d’émancipation, de liberté pour toutes et tous. Leur quête, plus ou moins consciente, plus ou moins voulue, choisie, les conduits à découvrir, se découvrir. La femme du potier ose, fait l’expérience d’un don caché, excelle même dans son art. Philémon et Baucis détiennent désormais la clé de l’amour éternel. Jeanne-Marie marche pour la première fois seule dans la campagne, découvre le monde et ses réalités : elle ne va pas à l’école quand d’autres s’y trouvent, un garçon l’empêche de goûter aux cerises de l’arbre. Adjoa se rebelle, s’affirme en tant que femme, individu autonome. Son expérience lui forge un caractère bien trempé ! Après un long parcours initiatique, Iris trouve du sens à sa vie et nous invite, non sans malice, à relâcher les tensions, la pression que nous nous imposons parfois à nous-mêmes pour nous conformer aux demandes, aux exigences de notre entourage. Tantale fait l’expérience de la folie des hommes, de leurs abus, de leur inconséquence. Enfin, Syms / Simon collecte des souvenirs inoubliables tandis que Charles Darwin élabore sa célèbre théorie.

Puissions-nous faire de semblables voyages, aussi dépaysants que formateurs ! Dans tous les cas, ces différents albums nous y invitent et, peut-être plus encore en cette période de confinement, nous y aident : ils permettent d’étoffer un peu un Inventaire des jours qui, sinon, sans eux et bien d’autres livres encore, pourrait être seulement long et laborieux, bien moins chatoyant !

Emmanuel Delorme, professeur de lettres et formateur (Chalon/Saône)