Ils sont sept, venus d’ailleurs, installés à Chalon/ Saône depuis au moins deux ans, réunis autour d’Elisabeth, pour l’atelier hebdomadaire « Courage, on va réussir ». Les trois jeunes hommes viennent du Soudan, les femmes du Maroc, de la Turquie, du Vietnam et de RDC.

Ce vendredi là, on va partager ensemble une histoire. J’ai choisi la lecture épicée de Naya.
Je présente les personnages qui s’exprimeront à ses côtés : maître Yacouba, le chef du village, l’émissaire et les troix voix du chœur ! On se répartit les rôles. Je leur donne le texte correspondant que chacun découvre seul puis lit avec Elisabeth ou moi. Un apprenant maîtrisant mieux la lecture que les autres prend les dialogues les plus bavards. Je m’installe au pupitre face à eux et mène la lecture. Tout s’enchaîne on ne peut mieux. J’insiste en les clarifiant sur deux moments clés de l’histoire pour que personne ne perde le fil.

Sitôt le conte fini, le visage de la jeune femme marocaine s’illumine de bonheur. Elle emportera l’album chez elle.
De suite, surgit la question  : vaut-il mieux avoir des filles ou des garçons ?  En RDC, les filles aideront la maman. En Turquie et au Maroc, sitôt mariées, c’est de leur belle-mère qu’elles devront s’occuper. « J’aime mon mari, j‘aide ma belle-mère. J’ai pas le choix … même ici ». Au Vietnam, on souhaite au moins un garçon pour perpétuer le nom. Au Soudan, les garçons feront la guerre. Ils arrêtent tôt leurs études. Les plus diplômés sont les filles.Chacun s’accorde à dire que ça évolue un peu dans leur pays d’origine. Et nous, de rappeler qu’en France aussi on a longtemps connu une forte domination masculine qui perdure.

Cette histoire est typiquement africaine, nous dit Faroug. « En Afrique, le chef fait partie du village. Le contact est direct. On peut l’aborder facilement comme le fait Naya.  La jeune fille a soufflé à l’esprit des femmes comment sauver les hommes. Chez nous, on croit à la transmission et aux forces de l’esprit. »
VML

Au collège Boris Vian de Talant (21), j’ai commencé la série des lectures épicées par Naya ou la messagère de la nuit avec  une jeune étudiante en lettres, en service civique dans l’établissement.

Peu d’élèves avaient lu entièrement l’album. Les yeux sont équarquillés, les oreilles grandes ouvertes, les voix complices assurent, le dénouement fonctionne à merveille. Les réflexions fusent : les femmes sont courageuses. Les couleurs vives montrent qu’il peut y avoir de la joie au milieu de la guerre. Pourquoi voit-on des oiseaux différents à chaque page ? Un aîné présent, qui pensait que c’était une histoire pour les petits, est agréablement surpris par l’histoire et son dénouement.  Assurément, la lecture polyphonique donne de l’ampleur au texte !

Seul regret, ne pas l’avoir lu le 8 mars, à toutes les classes du collège. On garde l’idée pour la journée des femmes 2019 *!
Sylvie Merabti, documentaliste 

* Chouette  ! Quelle bonne idée, dixit Philippe Lerchermier, l’auteur de l’album.

Nota bene Livralire  :
– A la maison des seniors à Chalon, une auditrice a proposé comme bandeau pour Naya : Les hommes font la guerre, les femmes la gagnent.
Pour le 8 mars (et pas seulement !), pensez aussi à Rosa, Elinor et Jazyâa, femmes qui font face aux hommes, héroïnes d’albums des voyages-lecture intergénérationnels précédents (si on les a dans son fonds car deux titres ne sont plus disponibles) :
SILEI : Le bus de Rosa (Sarbacane, 2011, dispo)
BROWN : L’incroyable exploit d’Elinor (Albin Michel jeunesse, 2011, épuisé)
GENDRIN : Jazyâa la tapageuse (Didier jeunesse, 2011, épuisé)


Titre : Naya ou la messagère de la nuit
Auteur : LECHERMEIER Philippe
Illustrateur : de GASTOLD Claire
Editeur : Thierry Magnier © 2016

Naya monte régulièrement à la cabane de maître Yacouba. Sous sa houlette, elle modèle les figurines des nouveaux-nés. Mais un matin, elle découvre les statuettes renversées, certaines brisées. C’est signe de guerre. Il lui faut vite redescendre annoncer la mauvaise nouvelle aux villageois, pour qu’ils organisent leur fuite s’il est encore temps. Et sinon ?