Comme chaque mardi matin, des résidentes du foyer-logement de Givry,  se retrouvent au salon à 11h15 pour une lecture partagée avant le repas. Ce jour là, je joue Le double (lecture épicée).

Les commentaires sur l’histoire sont brefs :
– Ça correspond bien au monde d’aujourd’hui : le harcèlement au travail et le burn-out qui s’en suit.
– Le double, ça fait penser aux robots qui feront les travaux domestiques à notre place.

Et la conversation de partir sur les bons ou moins bons souvenirs du temps où ces dames âgées de 85 à 92 ans travaillaient.
– Moi, mon travail d’éducatrice était très difficile. Pour évacuer les tensions, j’allais le soir marcher.
– J’aimais tout dans mon travail à la papeterie sauf une chose : nettoyer la vitre extérieure et intérieure avec du papier journal et de l’eau alcoolisée.
– J’ai travaillé dans la vigne et exercé différents métiers. Quand mes enfants étaient petits, je travaillais à domicile : je décorais des chapeaux dont la forme était faite dans un atelier à Givry.  Même si nos gains étaient modestes, je n’aurai pas aimé être à la place des patrons, suspendus aux commandes et ventes.
– Je confectionnais des chemises de luxe dans un atelier avec deux autres ouvrières. Nous étions installées devant des fenêtres du boulevard de la Liberté à Dijon. Quand nos patrons venaient nous voir, ils arrivaient dans notre dos, marchant sur une moquette, espérant sans doute nous surprendre à regarder les gens dans la rue. Comme si nous avions du temps pour ça !  Nous n’avions droit qu’à une pause toilette de 10 minutes et à heure fixe !
– Moi, j’ai exercé deux métiers. A 18 ans, j’étais employée aux impôts. Je m’occupais des  relances : envoyer aux retardataires un papier bleu, puis un vert, puis un huissier. Quand j’ai compris que le coût des rappels était souvent aussi élevé que le montant de l’impôt, j’ai démissionné. Je n’allais pas passer ma vie à enquiquiner des gens pour un résultat nul !  Avec mon  mari, nous avons tenu 40 ans un magasin d’électroménager au centre ville de Chalon. Le plus beau jour a été celui où j’ai vendu une machine à laver à une dame du quartier qui lavait à la main le linge de ses 12 enfants.
C’est tout simple. Un album = un thème = des souvenirs = du lien. Sans Le double,  ces dames n’auraient pas évoqué leur vie laborieuse ni découvert des points communs. Nous nous sommes quittées ravies : elles, ragaillardies, moi, enrichie.
VML

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