Un quart des animateurs du 11e voyage-lecture, bibliothécaires, enseignants, soignants, éducateurs, ont pris le temps de faire un bilan, parfois très détaillé, souvent très instructif.  Qu’ils soient remerciés chaudement pour leurs constats et leurs suggestions rapportés avec enthousiasme. Ça recharge nos batteries à l’heure où nous préparons la nouvelle édition : supports de com, scénographie, lectures épicées, dossiers financiers. Ils disent :

1, 2, 3 albums :
– fait lire des personnes très éloignées des livres et de la lecture
– redonne une dimension de plaisir à ceux pour qui la lecture est un pensum ou un mauvais souvenir
– développe des compétences : lecture, écriture, prise de parole, et redonne confiance en soi
– offre une ouverture culturelle et artistique
– crée du lien entre lecteurs et entre professeurs et élèves, jeunes et aînés, bibliothécaires et publics, soignants et patients, enfants et parents, etc.
– apporte du mieux-être
– donne de la visibilité aux bibliothèques et du sens au métier de bibliothécaire

Pour ce faire, tout est important :
1/ La variété du choix des albums. La diversité des thématiques est un véritable atout.
C’est une source d’enrichissement personnel qui permet de découvrir d’autres horizons. Par exemple, qui connaissait l’histoire de Wei et des travailleurs étrangers de la grande guerre ? Se dégage d’ailleurs une nette préférence pour les histoires vraies. Cette diversité permet aussi de :
– toucher le maximum de gens
– faire des liens interdisciplinaires ou culturels
– offrir à chacun le livre qui lui correspond

Des titres font l’unanimité, d’autres ont des accueils très contrastés. Il arrive malheureusement qu’un album voit ses chances bloquées dès le départ par un adulte qui le trouve « laid », « faible » ou « inapproprié », alors que dans d’autres groupes, il a une vraie vie.
Quand on le trouve difficile, se rappeler qu’il y a une lecture épicée comme support d’accompagnement. Exemple, la théâtralisation de Marcel et Giselle a beaucoup plu à ceux qui en ont profité. Se souvenir aussi que, comme l’a dit Kafka, la littérature est faite pour briser la glace gelée en nous, au risque de voir monter les larmes. Et c’est bon !

2/ Les outils de lecture qualifiés de « géniaux » par une bibliothécaire suisse
La scénographie. Les habitués sont impatients de la découvrir et éprouvent de l’enchantement à la fin de la présentation. Le calme règne. L’attention est grande. La magie opère à chaque fois : les spectateurs ont envie de l’ album.
D’une année à l’autre la surprise est au rendez-vous. La scénographie est efficace. Elle est à la portée de tous et doit le rester (sacrée contrainte pour les créatrices !).  Elle peut être jouée à plusieurs voix. C’est bien de la voir à un lancement et de l’avoir à disposition en vidéo.

Les lectures « épicées » apportent du piquant, éveillent la curiosité, aident à la compréhension, cadencent les rencontres, varient les séances. Elles sont très attendues, comme dans cet Ehpad où les résidents viennent s’assurer le matin que la séance a bien lieu l’après-midi. Charpente des lectures collectives, elles peuvent être reprises par des lecteurs de tous âges, pour partager une histoire avec d’autres. Ce faisant, elles développent des compétences : maîtrise de la langue, diction, posture, témérité.

Le blog « qu’on ne consulte jamais, de temps à autre ou régulièrement ou qu’on alimente si peu et on s’en excuse ». Les articles apportent des idées et des explications, provoquent admiration ou regret. L’ensemble donne « la sensation rare d’une communauté qui fourmille autour d’un projet-lecture. »

3/ La gestion du temps
Le manque de temps revient comme un leitmotiv dans nombre de fiches bilan.
Pas assez de temps pour préparer et jouer les lectures épicées, pour  animer des échanges, pour faire circuler les livres (du fait souvent du manque d’exemplaires), pour maintenir l’appétit de lecture, pour écrire sur le blog, pour organiser le vote.
Pour être mené à bien, le projet, comme d’autres, prend effectivement du temps.
L’association Livralire, qui consacre des centaines d’heures à la préparation, à l’animation et au suivi du voyage-lecture donnera à l’automne 2017 des pistes pour  gagner du temps et optimiser le déroulement.

A la lecture des évaluations, on relève deux autres difficultés :
la difficulté du partenariat quand un des acteurs n’est pas fiable,
le manque de moyens pour acheter les livres, notamment dans les établissements scolaires. Une fiche d’aide à la recherche de sponsors sera prochainement mise à disposition par Livralire.
Mais on trouve aussi pas mal de bonnes idées qui seront intégrées dans un guide 1, 2, 3 albums en cours de rédaction.

On retient aussi qu’un professeur peut être touché par l’investissement de ses élèves, que beaucoup de lecteurs aimeraient être davantage acteurs de lecture, que Livralire devrait  rédiger un argumentaire pour les Ehpad comme elle l’a fait pour les collèges, envoyer les canevas de lectures épicées plus tôt et allonger la durée du voyage.

Et surtout on comprend qu’il nous faut faire confiance, car dans ce projet, comme le dit une documentaliste bourguignonne, les graines germent à l’ombre !
Véronique Marie Lombard