Parole à deux résidentes de l’Ehpad les Peupliers- Bourg-en Bresse (01), inspirées par la vue de leur fenêtre et balcon. 

Madeleine
Quand la dame de service ouvre mes volets, de mon lit j’aperçois les branches des arbres qui font la farandole. Je me dis « il y a du vent ce matin », on dirait qu’elles dansent, le tango ou la valse ? Il fait doux ce matin, j’ai ouvert la fenêtre. Le rideau bouge, c’est « le moineau courant d’air », venu lui aussi prendre son petit déjeuner.

J’aperçois un couple. Ils vont certainement au marché, c’est samedi, oui « ça-me-dit », autrefois, lorsque j’étais encore chez moi avec mes amies, on y allait en chœur, on prenait le bus en bavardant comme des pies. Aujourd’hui le couple a un masque sur le nez et la bouche, ils ne peuvent surement pas se raconter ce qu’ils vivent en ce moment et surtout pas se toucher, tenez-vous à un mètre, oh ! Enfant, à l’école on faisait cela quand on avait des poux.

En réfléchissant bien je crois que le monde est fou, la vie a vraiment changé, chacun pour soi et voilà tout. Reviendras-tu le bon temps d’avant ? Il faut vivre comme ça, cloîtrée. J’ai vu ma fille hier, mais derrière une fenêtre. Heureusement le téléphone nous sauve ! Et aussi ma radio et mon tricotage.

Josiane
Avant l’arrivée du virus, de mon balcon je voyais un grand bâtiment gris où les employés s’activaient. L’avenue était très animée avec une circulation dense, depuis l’aube jusqu’au soir, faisant beaucoup de bruit et de pollution. De nombreux piétons affairés circulaient et les peupliers servaient de décor aux petits oiseaux qui venaient manger des miettes.

Depuis le confinement, la vie est figée et tout a changé : il n’y a plus de vacarme mais on peut entendre une autre vie.
Au petit matin, les oiseaux chantent. Les rues sont désertes et silencieuses, de rares bus circulent pratiquement vides. Le personnel a déserté la compagnie d’assurance dont les fenêtres sont devenues aveugles. Quelques rares personnes seules, sans visage (à cause du masque) promènent leur chien en évitant les autres. Il y a aussi quelques sportifs qui arpentent la chaussée au petit trot.

J’ai vu un chat roux qui se baladait tout seul pas loin du héron qui pêchait dans la rivière. Le souffle du vent berce les peupliers qui sont plus verts et leur feuillage abrite les nids des grands oiseaux. Les moineaux viennent plus nombreux, avec leurs petits, manger sur mon balcon et s’y reposer en profitant du calme ambiant. Tard le soir on entend le merle donner la sérénade.

La nuit sera calme sans les rodéos motos/autos. D’un coup de baguette maléfique, la vie s’est arrêtée et de mon balcon, depuis, je peux voir une autre forme de vie que nous avions oubliée.