Louise et Esther, deux adolescentes juives parisiennes sous l’occupation, sont arrêtées et déportées à six mois d’écart. Si elles revenaient, Louise* récupérerait sa bible et ses livres déposés chez sa prof de latin-grec, Esther témoignerait, à la demande de sa soeur Fanny.

Louise a été gazée sitôt son arrivée à Auschwitz.

Esther a survécu à l’enfer de Birkenau. Elle est la seule rescapée de la rue Ronce dans le quartier de Belleville à Paris. Pendant des années, comme la plupart des survivants de la Shoah, elle se tait (qui croirait l’innommable ?) jusqu’à ce voyage en Pologne pour fêter sa retraite.  A Birkenau, le discours de la guide, très éloigné de ce qu’elle y a vécu, lui est insupportable. Elle explose : «Je vous en prie, arrêtez de dire n’importe quoi ! Moi, j’étais ici durant dix-sept mois ; je crois que je connais un peu mieux que vous ». Et la guide de lui laisser la parole.

A partir de ce jour, Esther a trouvé la force de parler. Elle a témoigné devant des centaines de lycéens. Aujourd’hui elle a 93 ans.

Dans La petite fille du passage Ronce paru chez Grasset fin avril 2021 (177 pages, 18 €), Esther Senot a couché son récit de déportée sur 80 pages : la vie rue de la Ronce, la dispersion de la famille le jour de la rafle du Vel’ d’Hiv, sa fuite en zone libre, son arrestation un an plus tard, la survie au camp, le retour, la dépression. Dans une deuxième partie d’autant de pages, dite « fragments », elle dialogue avec des proches disparus puis déambule dans leur quartier.

Nombre de passages pourraient être partagés à voix haute avec les lecteurs-voyageurs de Si je reviens un jour au risque d’être par moment en apnée comme je le fus moi-même, notamment dans la séquence au camp.

Véronique M Lombard

*Louise Pikovsky dont la vie est racontée dans la BD Si je reviens un jour