Sur demande des dirigeants parisiens et en accord avec les responsables locaux, Livralire fait le pari fou de lancer le voyage-lecture aux restos du cœur de Chalon sur Saône les jours de distribution alimentaire. Les freins sont nombreux. Il y a beaucoup de bruit. Nombre de bénéficiaires maîtrisent mal la langue. Les gens sont appelés par un bénévole pour le service épicerie. Ca fonctionne bien et sans nous depuis des années !

Premières séances les 15 et 16 décembre : 4 demi-journées à l’identique pour introduire 5 albums, un par demi-heure, selon un protocole défini à l’avance : un coup de gong, une charade ou une devinette sur un animal, une « bande-annonce » avec le système des fleurs, une ou deux illustrations du livre.

Le jeu fonctionne très bien. Le fait de donner la fleur-animal à celui qui a trouvé la bonne réponse rend « le gagnant » attentif à la présentation et le met en appétit pour prendre ensuite l’ouvrage. Des corps se tournent. Des visages s’illuminent.
Une dame entre deux âges vient vers nous chargée de ses cabas et nous dit : Je viens vous offrir des charades, c’est moi qui les ai inventées… Nous prenons aussitôt un stylo pour les noter et Catherine lui propose d’en inventer d’autres sur les prochains livres.

Une femme d’une cinquantaine d’année gagne l’indice du Bébé tombé du train. Elle attend avec beaucoup de vigilance le moment de venir reposer l’indice, ce qu’elle fait judicieusement. A la fin de la présentation Catherine lui tend le livre. De loin elle se précipite pour venir le chercher et se plonge immédiatement dedans très absorbée. Elle doit lire assez lentement. Un bon moment après elle nous rend le livre. Elle doit partir mais précise qu’elle s’est arrêtée à l’arrivée des gendarmes et qu’elle lira la suite la semaine prochaine.

Sitôt finie la présentation à voix haute, on passe l’album à quelqu’un pour lecture ou feuilletage ou on va continuer l’histoire avec une personne ou un groupe soit en lecture soit en racontage (lecture en diagonale).
Le jeudi,

on a laissé  les livres sur les tables au fur et à mesure qu’ils étaient présentés. Des gens les feuilletaient, les lisaient.

Un autre homme plus jeune hésite à accepter Elinor. Il le lit pendant 10 minutes mais sa lecture a l’air laborieuse, il finit par rendre le livre en disant : « j’ai fini l’histoire avec les dessins ils sont drôlement bien ». 

Un homme de 45-50 ans s’intéresse à La grande dame puis repose l’album rapidement. Je saute sur l’occasion de ce « désintérêt » pour lui proposer Elinor en lui disant que c’est un sujet qui devrait plus lui convenir. Je lui dis que c’est une histoire vraie. Il soulève les épaules mais tend la main vers le livre, s’y plonge et ne lève plus le nez avant la dernière page !

Quand on va vers les gens pour lire ou raconter, ils se laissent faire. Parfois ils disent qu’ils ne savent pas lire ou n’ont pas envie ; alors quand on ouvre le livre en leur disant de profiter au moins des images, ça démarre et on accroche.
Je lisais La grande dame en version raccourcie à une jeune femme. Comme je devine qu’elle comprenait que je sautais des lignes, je lui demande de lire avec moi. Et nous lisons une phrase chacune en alternance

Une famille entière de « Rom » écoute Monsieur Loiseau : je repère que l’un d’entre eux est plus accroché. Et pour cause c’est le seul à parler un peu français. Je lui propose une lecture raccourcie. Au bas de chaque page, il m’arrête pour traduire aux autres membres de la famille.

Un enfant d’une dizaine d’années me demande s’il peut lire. Je m’assois à côté de lui et il commence à lire à haute voix pas mal du tout. Quand il trébuche sur certains mots, je le reprends et il corrige tout content de lui. Sa maman revient de la distribution et veut partir. Il fait la moue. Aussitôt elle lui dit : tu pourras le finir la semaine prochaine c’est les vacances. Un grand sourire illumine le visage de l’enfant. Quel beau cadeau !

Une illustration, un mot, une situation sont des tremplins pour l’échange, pour l’évocation du passé ou du présent.
Autour d’Elinor : Je la connais déjà cette histoire de pilote on en a parlé à la télé.

Long arrêt sur la planche des papillons dans Comme une soudaine envie de voler avec un Algérien qui me parle des papillons au bled, puis de ses enfants, puis de lui qui se languit de ne pas travailler !

Autour de La grande dame et le petit garçon : Je fais remarquer à une jeune femme que la fente dans la porte en guise de boite aux lettres est le signe d’une histoire anglo-saxonne. Elle me répond : à Chalon, j’ai distribué des publicités et j’ai trouvé ce système pour le courrier.

Autour de Monsieur Loiseau : Une jeune femme s’est mise à rire. Elle m’a expliqué que les détenus n’étaient plus des N° depuis longtemps. « Je le sais, mon père y est ! » m’a-t-elle dit. Et elle a ajouté que ceux qui y étaient l’avaient bien mérité, surtout les violeurs.

Deux personnes ont demandé à emporter un album chez eux.
Une femme m’a demandé si elle pouvait emmener la grande dame pour le lire à son fils. Je lui dis oui, mais que ce ne sont pas des albums pour les petits. Elle me répond que son fils a 7 ans et qu’elle a l’habitude de lui lire des livres en « jouant » et en faisant différentes voix, des gestes et qu’elle et son fils adorent ça ! Bien sûr, elle est partie avec le livre !

Une maman dit : j’emmène mes enfants chaque semaine à la bibliothèque. J’espère qu’on va y retrouver ces livres là.

Grâce aux deux packs offerts par mécénat, il y aura une caisse de consultation et une de prêt qu’il nous faut déjà songer à étoffer pour les lectures et les prêts qu’animeront chaque jeudi et vendredi des bénévoles des restos du cœur.

Les 19 et 20 janvier, nous présenterons 4 autres albums de la sélection 2012. L’aventure ne fait que commencer. Nous avons confiance dans le public qui a saisi l’occasion pour jouer, se souvenir, parler, rêver à l’instar de ce monsieur qui nous confie : En regardant les images, j’ai l’impression que le monde vient à moi. Merci, à la semaine prochaine.
Puissent les bénévoles des restos dubitatifs ou rétifs se laisser embarquer à leur tour et surtout considérer les nécessiteux comme des gens riches d’émotions, de souvenirs, de souhaits, de finesse, de tendresse ! Merci aux autres qui nous ont fait confiance et bravo à celles (ceux) qui vont nous relayer.
Equipe de Livralire : Véronique, Catherine, Marie Christine et Marie France

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