A l’accueil de jour d’adultes handicapés, j’ai fait à un groupe la lecture intégrale de l’album L’inventaire des jours. Je comptais avancer page à page tranquillement en les aidant à comprendre textes et images. Ils ont réagi très vite, plus que d’habitude, et tous, y compris une personne qui ne s’exprime jamais. Alors, j’ai demandé à chacun de me dire ou d’écrire s’il le pouvait, une phrase commençant par « Il y a des jours où… ». En quelques minutes, c’était fait…  Voilà ce qui est ressorti. 
Delphine Perrier, MFSL-Service Accueil de Jour Hurigny

Il y a des jours où je veux partir de l’endroit où je suis. M’évader loin de là. Être libre comme l’oiseau.

Il y a des jours où j’aime bien aller à l’accueil de jour, parce que je peux parler avec les autres, les éducateurs, faire des activités. Je me sens bien après.

Il y a des jours où je suis fatigué, je ne suis pas très bien et je n’ai pas envie d’aller à l’accueil de jour. Mais je me motive et je me dis vas-y, j’enlève le stress. Parce que je sais que ça me libère après.

Il y a des jours où je suis triste. J’ai peur des changements. Je ne connais pas les nouvelles personnes et je ne sais pas si elles vont être gentilles.

Il y a des jours où j’aimerais m’évader du travail, et aller me promener, voir des spectacles. J’aimerais être tranquille.

Il y a des jours où c’est plus difficile que d’autres, les humeurs, les attitudes changent. D’autres où il y a des rires, des pleurs. Et d’autres où on lit ces quelques lignes, et on se rappelle pourquoi on est là, pourquoi on a choisi ce métier. Et que ces mots, ces petits riens ont toute leur importance.

A chaque saison, il faut trouver une mise en bouche différente des albums. Celle de 2020 s’est imposée de suite avec un objet par livre qu’on ferait deviner au public et les portraits des personnages, qui, tels des marottes, seraient accrochés à leur album.

Le montage ci-dessous donne un aperçu du déroulement. Sur simple demande, les  visiteurs du blog peuvent obtenir le lien vers le film de la scénographie intégrale (25 minutes) avec les textes savoureux empruntés aux auteurs.

Cette lecture-spectacle est jouée depuis janvier 2020 par les animatrices (et animateurs) du voyage-lecture, seules, associées à des collègues ou avec le public, en salle ou sur scène. Dans certains collèges et lycées, ce sont les jeunes d’une classe ou d’un club qui préparent et jouent la scénographie pour les autres. En juin, des lecteurs-voyageurs l’utiliseront pour promouvoir à leur tour les albums auprès d’autres publics : des jeunes à leurs parents, des ainés à des CM2, des apprenants à du public à la bibliothèque, etc. VML

En prévision de la première rencontre intergénérationnelle à la maison des seniors de Chalon/Saône où sera jouée la scénographie le 13 janvier 2020, Véronique Marie Lombard est venue, la veille des vacances de Noël, rencontrer un groupe de 6e.

Aux élèves, regroupés par deux ou trois, elle a donné un exemplaire de la carte d’invitation, composée par Marie-Anne Wettstein. Elle leur a proposé d’observer les silhouettes, de les associer et d’imaginer quels personnages ils représentent, quels liens les unissent, ce qui peut bien leur arriver. Les suppositions fusent !

Si cette démarche formatrice de lecture d’images vous tente, sachez résister à la tentation d’être exhaustif. A ce stade du travail, il s’agit seulement de piquer la curiosité et surtout de susciter une attente. Au moment de la scénographie, puis des lectures épicées, il sera bien assez tôt de confronter les hypothèses formulées à la réalité des récits.

Emmanuel Delorme, professeur de lettres, collège Camille Chevalier, Chalon/ Saône.