Quand, en janvier 2023, Emmanuel Delorme fait découvrir à ses 6e les couvertures détourées des huit albums #17, leurs yeux s’écarquillent et les langues se délient. Ce professeur de Lettres ne peut imaginer que le regard aiguisé des jeunes sur les illustrations du printemps d’Aubaka va le surprendre et, du coup, occuper plusieurs séances de travail.

La couverture est parlante. Des gardes avec leurs hallebardes encerclent « un garçon au bouquet » qui porte des braies. L’histoire doit se passer au Moyen-Age… sauf que, en regardant de plus près, ça « cloche » : à cette époque, il n’y avait ni chéneaux, ni rambardes aux escaliers. Les garçons ne portaient pas de blousons, les enfants de shorts. Les doudous n’existaient pas et les filles n’avaient pas de coupe au carré !

L’anachronisme est détecté et laissé en l’état jusqu’à ce lundi de mars qui emmène à nouveau la classe entière à Aubaka.

Les élèves découvrent l’histoire via la lecture épicée jouée en « live » par des élèves désignés, avec le professeur en narrateur. Je présente le décor, j’introduis les personnages et je choisis des bruiteurs. Je donne quelques consignes (la construction et déconstruction du mur de kaplas, la rumeur, l’échappée du village). Le « spectacle » commence et se déroule au mieux. J’avoue être épatée !

Un élève résume l’histoire dont le message est ensuite décrypté collectivement : « S’assurer de la véracité des informations avant de les propager ». « Avoir confiance en soi pour ne pas se laisser raconter n’importe quoi ».

Ensuite, pour prolonger, approfondir et tenir compte de l’anachronisme détecté en janvier, Emmanuel a dressé une liste d’objets, de constructions et de vêtements d’hier et d’aujourd’hui. A certains élèves réunis le mercredi matin et répartis en petits groupes de les repérer et de les noter sur des post-it au fil des pages des quatre albums mis à disposition. Si besoin, ils ont un dictionnaire pour les mots inconnus comme « oriflamme », « chéneau », « redingote ».

Le vendredi, toute la classe revient à Aubaka. En quatre groupes, tous les élèves feuillettent les pages, découvrent et finissent le repérage des indices – en trouvent même d’autres. Emmanuel les invite à une recension collective dont il dresse la liste au tableau. On s’aperçoit qu’il y a plus d’éléments modernes que moyen-âgeux !

Qu’est-ce qu’on a voulu nous dire ?
La soi-disant menace annoncée par le roi est un mensonge que d’autres politiques ou citoyens ont utilisée en d’autres temps et autres pays. La méthode n’est pas nouvelle et même d’actualité comme le fait remarquer Emmanuel qui rappelle le conflit en Ukraine initié par Poutine ! Gardons-nous d’affirmer des faits ou de colporter des informations sans les avoir vérifiés.

Espérons que l’enseignement de cette histoire restera vivant chez les élèves.

Pour Emmanuel et moi, c’est leur acuité visuelle qu’on n’oubliera pas. On les a remerciés de nous avoir inspirés cet atelier de lecture d’images et, de fait, d’avoir saisi la portée des illustrations de Pierre-Yves Cezard qui, au départ, avouons-le, ne nous emballaient pas.

On vous encourage à faire de même avec votre public en utilisant la liste des objets, constructions et vêtements, disponible sur le drive (Lectures épicées / printemps Aubaka lecture d’images-26 mars).

Véronique avec Emmanuel

COMMENTAIRE DES EDITEURS :
Merci beaucoup de nous avoir fait connaitre ce travail d’équipe réalisé avec Emmanuel Delorme et ses élèves. Félicitez-les de notre part.
C’est effectivement l’angle que nous avions proposé à l’illustrateur au départ : mixer des éléments moyenâgeux et contemporains pour montrer que l’utilisation de la peur et de la désinformation par le pouvoir est une réalité depuis fort longtemps et est toujours d’actualité. Nous sommes contents que les illustrations de Pierre-Yves Cezard, secondé par Caroline Taconet, aient finalement été appréciées.
Utopiquement,
Didier et Zad