Nous, animatrices, sommes d’année en année conquises et ravies de la richesse des savoirs des anciens et de leur générosité à échanger ou à transmettre leur vécu, à partir des  albums. Dès la présentation de la scénographie se dessinent des préférences. D’un commun accord, nous commençons par ces livres là.
la guitare de djangoNous installons les chaises en cercle, pour faciliter l’échange et l’intimité. Sur une table, nous plaçons en évidence la cagette correspondante au livre du jour. Les résidents sont ensuite invités et accompagnés en salle d’animation. On se salue, on fait le point sur l’avancée des lectures. Puis place à la nouvelle histoire. On lit souvent à deux voix (après s’être exercé) et on se sert des personnages et des cubes. Ça fonctionne, les résidents sont attentifs, restent concentrés et s’endorment moins au milieu de l’histoire…Le livre passe au début et à la fin de main en main pour que ceux qui le souhaitent puissent admirer et/ou commenter les illustrations.

Le pilote et le petit prince
On parle de Saint Exupéry que beaucoup connaissent : son nom a été donné à un aéroport français.
Saint Exupéry a commencé comme mécano. Il aurait pu être pilote de chasse mais il n’a jamais voulu tuer ! Il avait deux passions : voler et écrire, voler lui donnait envie d’écrire et écrire le faisait s’envoler. On parle du Petit prince, on se remémore ensemble l’histoire. On parle d’autres livres tels que Vol de nuit,  Courrier Sud, La bicyclette bleue. On évoque d’autres aviateurs connus tels Mermoz ou Blériot. Chacun parle de son baptême de l’air et y va de sa petite histoire. On parle des aérodromes qui se trouvent dans la région et des fêtes de l’aviation qui s’y déroulent parfois. Et pour finir on décide, d’un commun accord,  de programmer une sortie sur ce thème.

 La guitare de Django
la guitare de django .
Tous se souviennent du grand musicien de jazz : Django, c’est comme Mathusalem, on n’en connaît qu’un ! Une dame, mannequin à Paris dans sa jeunesse nous relate sa rencontre avec Django lors d’une soirée cabaret. Elle se souvient bien de lui. On parle musique, goûts musicaux, jazz.
Moi, j’aime le jazz primitif style Duke Ellington ou Django mais pas tous les succès qui en dégoulinent.
On décide d’acheter un CD de Django que l’on écoutera dans le cadre de certaines activités d’animation.

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Dernier jour de la semaine lecture partagée des albums au collège Mathurin Régnier pour 170 élèves, 30 bénévoles, 13 professeurs, 16 heures de lecture (2h par classe).

coffrechartres15h30 : les élèves arrivent. Leur professeur leur a annoncé une animation au CDI.
La lecture est loin d’être leur activité préférée mais c’est plutôt cool pour une dernière heure de cours ! Et puis Mme Pommereau, la documentaliste, a souvent des idées loufoques qui les font rire. Des adultes sont là, un groupe d’OVNI ou plutôt d’AVPI (adultes pas vraiment identifiés) avec lesquels les élèves vont lire les albums.

Je me retrouve avec Daryl et son copain. On s’installe, on ne fait pas vraiment connaissance, juste les prénoms. Pas la peine, on sait pourquoi on est là. On feuillette le livre en regardant les illustrations. On essaie de comprendre, pas facile. L’album parle de lecturechartresDjango Reinhardt, moi je connais un peu, Daryl et son copain pas du tout. Alors, on se décide à visionner sur l’ordinateur, un petit documentaire qui le concerne. Et là, alors qu’on se connaît juste depuis cinq minutes, on se met à partager, partager la découverte de ce personnage, chacun avec notre histoire et nos connaissances. Et on apprend ensemble. Vite, on retourne à l’album ! C’est moi qui lis. Caryl dit qu’il aime les musiciens.
Il prend un carton vert (j’aime). Il écrit. Je ne regarde pas, c’est personnel. On se dit merci, au revoir.

C’est déjà fini, les élèves sont partis. Je ne vois plus que le petit carton de Daryl. Une belle guitare est dessinée dessus.fil2 Il se balance au bout de son fil rouge au milieu d’une  forêt d’autres petits cartons. Une image s’impose à moi: des cerisiers en fleurs dans un temple bouddhiste, des centaines de petits papiers multicolores accrochés sur leurs branches, ondulent sous le vent. Les visiteurs y ont écrit leurs espoirs. Merveilleux souvenir de Chine…

Daryl et son copain, une rencontre, rapide et fugitive, qui ne restera sans doute pas dans leur esprit, mais une rencontre ! Un de ces petits et irremplaçables moments de bonheur.

Cathy, une retraitée, lectrice d’une heure

Trois semaines après la lecture partagée avec Cathy, Daryl (5e Segpa) confie à Claire, la documentaliste :
1, 2, 3 albums,  ça m’a plu, parce qu’on parle des livres. Dans les livres, il y a de l’action, des sentiments. Et il y a des personnages qui sont bien. J’aime bien les livres qu’on a choisis : les 5 malfoutus, et Django. Celui avec la guitare, ça m’a vraiment plu. Cathy nous a fait écouter la musique, j’ai aimé ça. Jouer de la guitare avec 3 doigts, c’est un truc impossible, et il a réussi à le faire. Ce serait pas pareil sans les dames, on comprendrait moins bien. On est plus concentré quand il y a les dames, on est moins stressé. A l’école, souvent, je suis stressé. Non, j’ai pas oublié la lecture. Une fois, à la télévision, y’avait de la musique, j’ai un truc qui revient à la mémoire. Ça m’a fait penser au livre de Django.

Je reviens à l’instant de l’Ehpad La Providence après une séance lecture de 1h30. C’est toujours un grand moment d’échanges, d’émotion, de souvenirs partagés. On s’amuse aussi beaucoup. Le petit groupe est maintenant bien constitué et réceptif même s’il y a quelques assoupissements.

 Par l’intermédiaire de la lecture, les personnes âgées sont beaucoup plus dans la communication, dans la sensibilité. L’attention bienveillante qu’elles se portent les unes aux autres par  l’écoute des propos ou souvenirs évoqués est, me semble-t-il,  un gage de « réussite » du moment passé avec elles.

 Aujourd’hui, j’ai lu, Un verre et La guitare de Django avec en fond la musique de Django. Deux superbes lectures aux tonalités différentes mais où la sensibilité peut s’exprimer. L’une des résidentes a vécu à Paris où elle était couturière : j’ai vu son album photos avec les robes qu’elle avait cousues pour Edith Piaf. Elle était très émue car elle a connu le fils de Django.

 Voilà, il y aurait encore maintes choses à dire, d’anecdotes à raconter mais vraiment ce moment de lecture partagée me comble à chaque fois.

Dominique Metzger  

A Béthusy, nous entamons notre troisième voyage-lecture avec une classe d’accueil dont les élèves, entre 13 et 16 ans, sont allophones et sont au tout début de leur apprentissage du français.

Vendredi 13 mars, nous avons rendu visite aux seniors de l’accueil de jour de Mont-Calme à deux pas de notre collège pour assister à la scénographie préparée par nos collègues de la Bibliothèque de la Ville de Lausanne. Deux semaines plus tard, nous avons accueilli nos invités en classe pour un après-midi de rencontre et de lecture épicée.

Les élèves avaient choisi de présenter La guitare de Django sous forme de lecture polyphonique agrémentée d’un kamishibaï préparé par leurs soins. Entre les répliques, la guitare d’un jeune et celle de Django ont résonné aux oreilles des voyageurs. Les voix des élèves, riches de leur couleur internationale, se sont élevées fortes et encouragées par leurs invités qui avaient envie de tout entendre. Nous avons été émus, nous avons ri et nous avons appris à nous connaître. Parmi nos invitées, certaines pensent que les jeunes d’aujourd’hui sont beaucoup plus intelligents qu’avant… Sauront-ils faire honneur à la foi de leur nouvelle amie? Nous avons très envie d’y croire.

Ce moment de partage nous a fait voyager du Paris de Django au Paris d’aujourd’hui en passant par le Brésil, la Turquie, le Canada, l’Italie, les Etats-Unis, la Roumanie, la Chine, la Thaïlande, le Portugal, l’Espagne, la Hollande et bien sûr la Suisse. Cette fois-ci, le manouche aux doigts féeriques aura été un très beau trait d’union entre les êtres au-delà des générations. Sur fond de jazz, nous nous réjouissons de notre prochaine rencontre à Mont-Calme.

Sophie, Bibliothécaire à Béthusy (Suisse)

djangoptAprès  la lecture épicée  de  La guitare de Django, faite à trois voix,  nous avons proposé  aux apprentis cordonniers (1ère année) de préparer une interview du chanteur. Ils inventent des questions qu’on met en commun. Le  lendemain, chaque apprenti vient écrire au tableau une question de son choix. Le groupe s’interroge : peut-on répondre à l’aide de l’album ? Si non, on fait une recherche sur internet ou dans une encyclopédie.

  Voici le résultat de l’interview
–  Qui êtes-vous Django ?
On me connaît sous le nom de Django. En réalité, je m’appelle Jean-Baptiste Reinhardt.  
– De quelle origine êtes-vous ?
 Je suis d’origine tzigane, c’est la même famille que les Gitans.
–  Quand et où êtes-vous né ?
 Je suis né en 1910 en Belgique, très beau pays.
–  Pourquoi avez-vous choisi de devenir musicien ?
Je ne sais ni lire ni écrire. Mais jouer de la musique, c’est une tradition dans ma famille.
–  De quel instrument jouez-vous ?
A la base, je jouais du banjo mais depuis quelques temps, j’ai changé, je suis passé à la guitare.
– Expliquez-nous pourquoi ce changement d’instrument ?
Ce n’était pas un choix ! A l’âge de 18 ans je me suis endormi dans ma roulotte, car je vis dans une roulotte, et un incendie s’est déclenché par je ne sais quel moyen pendant mon sommeil. Heureusement que des membres de ma famille sont venus me sortir de là sinon j’y serai passé. Dans cet incendie, j’ai perdu deux doigts et ma main gauche a été endommagée. Donc je ne pouvais plus utiliser le banjo car les cordes étaient trop dures. Alors, mon frère Joseph me conseilla d’utiliser la guitare car ses cordes étaient plus souples. J’étais au bout du rouleau. Mais ce qui m’a donné de l’espoir, c’est lorsque ma femme m’apporta mon fils. J’ai eu une forte envie de jouer de la guitare que Joseph, mon frère m’offrit pendant mon séjour à l’hôpital.
 – Quel type de musique jouez-vous ?
Je qualifierais ma musique de jazz moderne.

 Cécile Beyer, documentaliste au campus des métiers à Bobigny (93)

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Titre : La guitare de Dlango

Auteur : Fabrizio SILEI

Illustrateur : Alfred

Editeur : Sarbacane © 2014

 
En ces années folles de l’après-guerre, on ne parle que de lui dans les night-clubs et les bals  parisiens : Django, le gitan analphabète, prodige du banjo. Chaque soir,  le public cherche ce petit sauvage plein d’avenir, qu’on surnomme « Grenouille » car il ne boit que de l’eau. On dit qu’il peut rejouer toute mélodie entendue. Un manager le repère. La chance lui sourit jusqu’à cette nuit où sa roulotte prend feu. Il est grièvement brûlé et perd l’usage de deux doigts. Soigné grâce à une collecte, il passe à la guitare.