A la résidence, la première lecture épicée a eu lieu vendredi 27 mars autour du Casque d’Opapi devant quatorze participants si calmes lors de la lecture que je me suis demandé si cela les  intéressait. Le silence était en fait signe de grande attention. J’ai complété la lecture par un extrait d’un livre de témoignages de poilus.

S’en est suivie une assez longue discussion sur la première guerre mais aussi sur la seconde et puis sur les événements récents autour du fanatisme. Le plus difficile sur ce sujet a été de rester positif et d’espérer en la paix. Mais cela a été riche de témoignages et de partage notamment grâce à la présence d’un fils d’une des résidentes présentes.

Quand j’ai demandé si quelqu’un voulait prendre les deux livres, une résidente a proposé de les emprunter pour les lire aux personnes qui ne peuvent plus bouger ou qui n’avaient pas souhaité venir.  Cette lectrice spontanée  a lu  Le casque d’Opapi à une dame dans sa chambre et lui a, du coup, donné envie de venir à la prochaine séance collective.

Arnaud GINIONS, animateur à  Ehpad Notre Dame de Marloux (71)

La découverte du Casque d’Opapi avec les CAP cordonniers 1ère année aura été mouvementée et nous aura obligées à rebondir. Résumé du déroulement.

1/ Lecture épicée à deux voix : les jeunes écoutent attentivement.

2/ Impressions à vif avec les smileys de couleur : 3 verts – 3 oranges – 1 bleu.
Le jeune qui n’a pas aimé l’album me demande de lire tout haut le commentaire qu’il a écrit : « C’est un manque de respect, nous ne sommes pas des gogols. Quand j’étais animateur, je lisais le même genre d’histoire aux enfants pour les calmer ». Je cache comme je peux ce coup de massue. Je dis à l’élève que les enfants ne sont pas des « gogols » et que cet album, contrairement à ce qu’il croit, n’est pas pour les petits. Les autres se taisent.

3/ Claire, leur professeur de lettres, leur propose de lire à voix haute l’album à cinq Bacs pros carrossiers qui ont déjà voyagé l’année dernière.  Ils refusent. Claire leur raconte les deux lectures faites l’an passé par des cordonniers 2e année devant leurs professeurs, le CPE et l’assistant d’éducation. Va pour une lecture devant l’équipe pédagogique, mais pas des pairs.

4/ Le lendemain, Claire leur lit quelques lettres de poilus, puis passe en revue avec eux les composantes d’une lettre personnelle : date, formule d’appel, corps de la lettre, formule de politesse, signature. Les jeunes doivent se mettre à la place d’Emile et rédiger une lettre de poilu. Voici celle de Jeffrey datée du 11 septembre 1914 :
Ma chère belle et tendre Dulcé,
Cela fait depuis mon départ que mon cœur saigne de douleur. Ici au bataillon : les choses se compliquent. Nous avons creusé des tranchées pour nous protéger des attaques ennemies. J’aurai préféré être auprès de toi et voir notre fils grandir et l’aider dans son éducation. Car cette guerre m’est insupportable : combien de temps je devrai encore souffrir en voyant mes compagnons d’armes mourir ou être blessés par les boulets de canon ?
Mais il y a quand même des moments, nous pouvons moi et mes compagnons nous reposer autour d’une partie de cartes, cela me permet d’oublier cet enfer où je suis blessé de l’extérieur et de l’intérieur, mais je tiendrai.
En attendant de te retrouver ma Dulcé et toi mon petit Gérard, je vous dis adieu ou au revoir, car je ne sais pas si je reviendrai.
Ton cher mari Emile

Cécile BEYER, campus des métiers, Bobigny (93)

pupitreopapi1Aux Quatre-saisons à Sainte Hélène (71), chaque lundi, Christelle, l’animatrice, et moi faisons aux résidents une lecture épicée d’un album. L’an passé, nous nous installions dans une petite salle polyvalente fermée qui, le succès venant, s’avère trop petite. Nous occupons maintenant le grand salon ouvert. Pour que la vingtaine de personnes assises en profite, nous avons dû organiser l’atelier en deux temps successifs. D’abord, la lecture épicée démonstrative et commune face au groupe puis, en  demi-groupe, un feuilletage de l’album au plus près, Christelle et moi ayant chacune un exemplaire  en main. Nous tentons des échanges. Pas facile. Certains s’assoupissent, d’autres ont la mémoire qui flanche. MAIS…

 Hier, c’était le tour du casque d’Opapi. Un monsieur totalement sourd, affalé dans son fauteuil roulant, redresse la tête. Il me sourit quand je lui montre les images. Un autre qui s’était isolé sur une banquette de côté, loin du groupe et des livres, me voyant ranger m’interpelle : « Vous avez parlé de la guerre 14-18. Je connais plein de choses là-dessus ». Comme je lui dis que ça m’intéresse, sa langue de délie. Né en 1927, il a connu sa femme quand il était au régiment à Verdun. Quand il marchait dans Douamont, son beau-père lui racontait la guerre. Et lui, rétif au groupe, semble content de parler seul à seul. Conclusion : l’installation ostentatoire des lecteurs dans le salon, passage obligé vers les chambres, a du bon.

Les albums de cette année et ceux des éditions précédentes sont en libre-accès en « facing » dans un panier glissé dans le meuble bibliothèque. Pour encourager la (re)lecture individuelle des aînés et du personnel, m’est venue l’idée de laisser dans le salon, sur un pupitre bien en vue, le livre du lundi qui devient le livre de la semaine. On a prévu une photocopie couleur de la couverture, posée en « fantôme » sur le chevalet, pour le cas probable où le livre sera parti vivre sa vie dans une chambre.

toitsemaineCette semaine, Le casque d’Opapi.
La semaine passée, Un toit pour moi et ses livres cousins : deux sur les habitats animaliers : Un toit à moi (Milan), Maisons (De La Martinière, mon imagier photo découverte) et un sur les maisons du monde : J’habite ici  (Milan, épuisé).

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Titre : Le casque d’Opapi

Auteur : Géraldine ELSCHNER

Illustrateur : Fred SOCHARD

Editeur : L’Elan vert © 2014

 
En plantant une pousse de chêne dans une prairie près la ferme de Papi Jean, un jeune garçon déterre un casque de soldat. Son grand-père maternel en trouve souvent en labourant les champs qui sont sur la ligne de front de la première guerre mondiale. Ces terres regorgent de ces mauvais souvenirs des batailles qu’Emile, l’arrière-arrière-grand-père racontait par lettre à sa femme comme devait le faire son autre aïeul allemand, Oskar. Les seuls répits étaient l’ouverture des colis et les parties de cartes. Le peintre Fernand Léger s’en est souvenu dans son tableau de 1917 intitulé « La partie de cartes ».