Au collège Victor Hugo de Lugny (71), deux classes de 6e et deux classes extérieures ont embarqué pour la première année dans l’aventure 1.2.3 albums ». Encadrés au CDI par deux enseignants de lettres et moi-même, les élèves s’entrainent à présenter des lectures épicées à d’autres classes.

Pour Christine de Pizan, ils préparent une lecture musicalisée d’un kamishibaï inspiré de l’album.

Karine Monneret, professeur-documentaliste

 

En 2012, 50 lecteurs embarquaient à Sens (89) dans 1.2.3 albums. Dix ans plus tard, ce sont 600 jeunes et adultes qui participent au voyage, auxquels il faudrait ajouter les lecteurs individuels de la médiathèque et, comme le dit Amel, une jeune tunisienne, «nos enfants avec qui on lit les albums rapportés de l’atelier de français ! »

Dans la salle d‘exposition de la médiathèque, les bibliothécaires ont mis en valeur ces lectures intergénérationnelles en regroupant les albums de la décennie en 6 familles : Inter-générations / De l’art / Un trait d’humour/ Comment va le monde ? / Rêvons ensemble/ Un destin hors du commun.

Après la parenthèse Covid qui interdisait les regroupements, elles ont à nouveau organisé la rituelle rencontre de clôture de la saison avec une partie seulement de leurs voyageurs, l’ensemble des classes REP (Réseau Education Prioritaire) engagées se retrouvant en juin et les ainés étant encore isolés pour raison sanitaire !

Très touchés par la découverte du Facteur cheval, un des six Héros ordinaires, Rosine, Claude et deux autres résidents de la pension de famille Coallia ont, avec leur animatrice, chanté la Casquette du Facteur cheval de Michel Fugain. Et comme chaque fois ils ont apporté des gâteaux clin d’œil, cette fois en forme de cheval et de boite à lettres.

Les jeunes de l’EPNAK de Sens ont illustré les quatre saisons traversées par Gisèle et Marcel, les enfants-héros de Pas l’ombre d’un loup. Des pots, des plantes, un arrosoir, un soleil, un parapluie pour le printemps, l’été et l’automne. Un duo pour chanter l’amitié (reprise de Françoise Hardy par les Frangines) en hommage à la grand-mère et au loup. Pour finir, une distribution de cœurs en papier pour symboliser, confiait l’éducateur, non seulement l’album et aussi le projet qui rapproche les gens. La salle en vibrait d’émotion.

Les adultes de l’ESAT, qui partage au calme et avec joie (dixit)  chaque dimanche un album avec une éducatrice, ont montré leur valise de voyage tapissée avec les portraits des héros de la saison.

Le groupe de femmes apprenantes aurait aimé faire un drapeau de la Terre qui aurait réuni en une seule famille les personnages des albums comme celle qu’elles forment avec leur enseignante Christine. Promis l’an prochain, elles prendront sur leur temps pour préparer un souvenir de lecture.

C’est le contrat d’engagement demandé par les bibliothécaires très investies. Dommage que tous ne l’honorent pas !

Comme je circulais auprès des uns et des autres, des adultes se sont confiés :
– La lecture, c’est un phare dans la nuit.
– La lecture, c’est une bulle d’oxygène.
– Cette année, mon cœur a fait des siennes. J’ai failli mourir. Une chose m’aurait manqué : cette rencontre qu’on attend chaque année.
– Même si ce n’est pas dans les programmes officiels d’apprentissage de Français Langue Etrangère, la lecture des albums permet des échanges transversaux irremplaçables !
– Mes élèves, en ouvrant l’album « La forêt des frères », se sont dit qu’il y avait peu à lire. En observant de près les grandes images, ils les ont mises en mots, ont fait des hypothèses sur la fille. Est-ce la même ?  Si oui, pourquoi ? Et si elle symbolisait la nature ? Puis ils ont philosophé sur les choix de vie.

VML

 

 

 

 

Au collège de Seurre (Côte-d’Or), nous avons, un professeur de lettres et moi, embarqué deux classes de 5e. Sur des heures de français, j’ai accueilli successivement une première, puis une deuxième moitié de chaque classe au CDI. Pendant six séances, j’ai fait déguster plusieurs lectures épicées.

Une fois les albums lus en groupe et individuellement, j’ai demandé aux élèves de créer un acrostiche sur l’histoire de leur choix avec la première lettrine inspirée de celles de Christine de Pizan. Ils ont réussi à trouver le mot principal, mais j’avoue que le projet d’écriture était ambitieux. Il m’a fallu les aider pour éviter des répétitions et ruser pour quelques lettres difficiles à compléter.

Résultat : tous les albums ont inspiré au moins un acrostiche. L’ensemble sera partagé oralement en accompagnement des titres avant le vote puis exposé au CDI.

Exemple ci-contre : Féministe pour Christine de Pizan

Fabienne Bourjon, professeur-documentaliste

Les élèves de la classe de 6eB du collège Louise de Savoie à Pont d’Ain (01) ont découvert la vie d’une femme en avance sur son temps, Christine de Pizan, selon le protocole suivant :
1/ Lecture collective au CDI sur une heure de lecture « offerte ».
2/ Eclaircissement du texte et des termes inconnus des élèves.
3/ Lecture à voix haute par les élèves de passages avec recherche d’adjectifs pour qualifier sa personne, sa personnalité, son oeuvre, son parcours et remplir un tableau abécédaire.
4/ Projection d’un documentaire sur la fabrication d’un livre au Moyen-Age.
5/ Observation des enluminures et lettrines.
6/ Illustration de l’abécédaire par les élèves devenus copistes avec enthousiasme !

Magali Barraillé, professeure documentaliste

Nouvelles du voyage 2022 à l’Ehpad Bouthier de Rochefort (Semur- en-Brionnais – 71).

Après la présentation sur deux séances du prélude, simple et efficace, les résidents, encore « sectorisés » par la crise sanitaire, mais réunis en nombre pour le début du voyage tant attendu, ont spontanément porté leur intérêt sur Catherine de Pizan et Héros ordinaires.

 

 

 

 

 

 

 

Grâce à Catherine de Pizan, on parle du droit de vote, du droit à l’avortement et de l’évolution de la condition féminine au fil du temps : Avant les femmes se mariaient sans leur consentement et c’était au petit bonheur la chance. La condition féminine était bien difficile, la femme devait obéir à l’homme. On n’avait pas le droit de conduire même pas de passer notre permis. On parle également du peu de droits dont disposent encore bien des femmes dans certains pays.

Les résidents s’expriment moins sur L’ombre du loup qu’ils trouvent destiné à la jeunesse, même si ça fait remonter des souvenirs de contes.

Avec Ashoka, on parle de l’Inde et notamment des intouchables, cette minorité qui vit dans la pauvreté et dans la misère la plus totale, rejetée de tous et dévalorisée dès la naissance. On parle également de la mort dans différentes traditions.

Avec La forêt des frères, les résidents parlent d’écologie et comparent la réussite des deux frères : La forêt est le poumon de notre Terre, l’oxygène pour vivre ! Pour moi celui qui construit est le plus malin.

Avec Le meilleur, on parle des enfants qui sont parfois mis à part dans une fratrie ou dans une famille. On fait référence au Vilain petit canard ou encore à Poil de carotte. J’ai déjà connu une famille nombreuse où un des enfants était défavorisé parce qu’il était moins doué que les autres à l’école. Les résidents sont unanimes pour dire qu’il ne faut jamais pousser ni forcer un enfant : il faut juste les pousser à ne pas se moquer des autres.

Les petites nouvelles de la Révolution sont lues en fin de matinée une ou deux fois par semaine. Les résidents apprécient et se livrent à des commentaires. Ils ont inventé une récitation sur le modèle de celle de l’enfant britannique qui, dans la première nouvelle, se moque de la table des 9 :

Cinq fois un, mercredi matin
Cinq fois deux, on réfléchit un peu
Cinq fois trois, un poème pour toi
Cinq fois quatre, voilà qu’on embarque
Cinq fois cinq, à 11 h25
Cinq fois six, les livres réunissent
Cinq fois sept, nous tous on concède
Cinq fois huit, ils sont magnifiques
Cinq fois neuf, chaque fois ils nous bluffent
Cinq fois dix, et créent la surprise

Murielle Daumur, animatrice

 

La lecture de Christine de Pizan n’est pas facile pour des 6e, même avec les lettrines utilisées pour la version épicée.  Des mots et des tournures de phrase leur échappent. Et pourtant, disent-ils, le portrait de la noble dame les saisit. C’est une femme courageuse. Elle est capable d’élever ses enfants seule, de ne pas se remarier comme le veut l’époque, de gagner sa vie, d’avoir une activité d’écriture réservée aux hommes, de défendre le droit des femmes.

Autour d’elle, les adultes invités ont proposé une galerie de femmes, vivantes pour la plupart, qu’ils trouvent remarquables. Elles se sont frayé un chemin dans la vie, ont surmonté des difficultés liées à leur milieu, leur époque ou la condition féminine, ont tenu leurs objectifs.

Deux actrices : Adèle Haenel et Muriel Robin.
Deux auteures : Colette.  Marguerite Yourcenar sur laquelle leur professeur de lettres avait rédigé un mémoire. Grâce à une citation d’elle, il avait obtenu un poste de coopérant à Madagascar.
Une ancienne ministre :  Simone Veil
Une grand reporter et écrivaine : Mémona Hintermman. (écouter sa rencontre à la prison des femmes de Rennes).
Une médecin–réanimateur à Paris, membre du conseil scientifique : Lila Bouadma
Une chorégraphe et danseuse de hip-hop : Bintou Dembéle 
Une chef d’orchestre : Nathalie Stutzmann

A côté de ces femmes célèbres ou connues du public via les médias, il y a toutes les femmes retraitées à qui Irène a rendu hommage et dont Emili, 6 ans, a dessiné un visage : « Je veux mettre à l’honneur toutes ces femmes de plus de 60 ans qui n’étant plus salariées du monde productif, sont invisibles. Et pourtant leurs rôles sont multiples. Parfois veuves ou accompagnantes d’un conjoint malade, elles contribuent à de nombreuses tâches. Elles aident leurs enfants qui, en couple et travaillant à deux, les sollicitent beaucoup. Garder leurs petits enfants, c’est du bonheur et de la fatigue surtout qu’elles ont aussi souvent leurs propres parents à seconder. Pour moi, ces femmes généreuses et courageuses sont admirables ».

P. S : Le principal du collège, après lecture de cet écho, présentera une femme remarquable de son choix au prochain atelier lecture.

VML

 

C’est par une maman d’élève de l’école, qui nous a même offert un pack de livres, que j’ai connu 1.2.3 albums à l’automne 2021. J’ai embarqué ma classe hétérogène de CM2 et j’avoue que je suis très contente. Les élèves sont très motivés par la découverte des albums sur chacun desquels j’ai dégagé un angle de lecture et d’activités propres à développer l’ouverture culturelle et l’échange autour du livre.

J’ai également proposé au professeur de lettres du collège voisin, Joseph Fabre, de s’associer au voyage-lecture dans le cadre de notre coutumière liaison CM2-6e.

Nous avons choisi Ashoka et la flamme sacrée comme lecture commune et support d’une théâtralisation, en  adoptant le canevas suivant :

1/ Lecture. Découverte progressive de l’album dans nos classes respectives : avancée pas à pas dans l’histoire imaginée par les élèves à partir des illustrations puis, à chaque page, dévoilée avec le texte de l’auteur et la lecture de l’enseignante.

2/ Sélection de 10 passages.

3/ Ecriture. En mars, les 6e ont accueilli les CM2 au collège à deux reprises. Des petits groupes ont été constitués pour un atelier d’écriture en deux temps : la conversion de l’extrait  narratif en texte dialogué puis, avec notre aide, l’adaptation en écriture théâtrale. Les textes produits ont fait l’objet d’une relecture critique entre les groupes en proposant quelques conseils de correction.

4/ Mise en voix. Au retour des vacances de printemps, nous travaillerons l’oralité et nous réfléchirons à la mise en scène. Décors, accessoires, rôle de chacun feront l’objet d’une réflexion commune.

5/ Jeu théâtral. Les différentes séquences de l’histoire seront jouées plusieurs fois à l’école, au collège et, nous l’espérons, à la bibliothèque municipale.

Krystel TEIL, Ecole Paul RAMADIER, 12000 RODEZ