Livralire, association spécialisée depuis 30 ans dans l’organisation de dégustalivres, créée pour chaque album choisi pour 1, 2, 3 albums une lecture « épicée », c’est-à-dire une lecture à voix haute participative et dynamique, partielle ou totale, brute ou mise en scène.
Or voilà que la SCELF, Société Civile des Editeurs de Langue Française, veut taxer les bibliothèques qui s’en empareraient et exige qu’une demande d’autorisation soit faite au moins trois mois à l’avance ! La taxe toucherait toutes les lectures publiques, même sans billetterie, à hauteur de 30 € HT minimum.
Persévérer dans cette voie reviendrait à condamner les lectures épicées non seulement dans les bibliothèques mais aussi probablement dans toutes les structures dans lesquelles le voyage lecture est proposé : prison, accueil de jour, hôpital, Ehpad, maison de quartier, écoles, collèges, lycées…
Persévérer dans cette voie serait dissuasif pour les organisateurs et reviendrait donc à priver des milliers d’enfants et d’adultes éloignés de la littérature de cette transmission orale et visuelle finement préparée, qui :
– aide à faire sens
– fait goûter la langue
– apporte évasion, poésie, émotion
– pose des questions sur le monde
– appelle des souvenirs et libère la parole
– crée et nourrit des échanges
Sans compter que dans 1, 2, 3 albums, après avoir entendu et lu les textes, les voyageurs les colportent à d’autres par lecture à voix haute : des jeunes aux aînés et inversement, des patients d’un service à ceux d’un autre service, des élèves à d’autres ou même à des profs, des apprenants adultes au grand public à la médiathèque, etc… Ces lectures solidaires vont-elles également disparaître ?
Dans un pays où le premier ministre, le ministre de l’éducation et la ministre de la culture affichent publiquement, chacun à leur façon, leur soutien à la lecture et en font une priorité, osons espérer que l’intelligence va l’emporter sur l’argent et qu’on pourra continuer à lire à voix haute librement et partout dans la ville. Souhaitons également que la mobilisation des auteurs, bibliothécaires, enseignants, lecteurs bénévoles, simples amateurs de lecture ou parents d’enfants porte ses fruits.
Et une fois la menace éloignée, formulons le vœu que la pratique de lecture partagée s’intensifie, notamment en secteur adulte des bibliothèques. « Les livres, c’est formidable. Mais ce qui compte, c’est la lecture »*. Pour cela, il faudra développer une vraie politique de lecture publique avec, plus que l’accès aux livres, l’accès aux textes, individuellement et surtout collectivement et à voix haute ! Il y a urgence ! Comme le montrent les derniers chiffres de l’édition, les ventes de littérature sont en baisse** !
Véronique Marie Lombard
* Edouard Philippe : Des hommes lisent – JC Lattès, 2017 (page 81)
** L’édition en 2017, coup de roulis, Le Monde des livres, 11 janvier 2017
Pour s’informer, plusieurs articles sur ActuaLitté.
Pour dire son attachement à la lecture à voix haute, libre et gratuite : une pétition, Shéhérazade en colère !