La scénographie a donné lieu à une grande série d’activités manuelles. On a fait appel à l’entourage, familles et / ou collègues pour récupérer des cagettes. Puis les ainés, les ont habillées de belles couleurs et de la griffe 1,2, 3 albums, se demandant souvent ce qu’on allait faire de ces cagettes : stocker quelque chose, faire du petit bois ? Leur curiosité était attisée par la confection des personnages en carton ondulé ainsi que des cubes : « C’est qui ces gens? A quoi donc qu’ ça va encore servir ? » Bonne occasion pour nous de répondre de façon imprécise pour garder l’effet de surprise, tout en ressassant ensemble des livres et histoires partagées l’année auparavant. Nous profitons de ce moment d’échanges pour remettre au centre de la table et feuilleter de nouveau les 10 albums 2014.
Puis place à la scénographie devant un public nombreux composé d’une trentaine de personnes. Les familles, l’entourage ou les visites ont été informées par voie écrite ; les résidents par voie orale, à la fin d’un atelier ou individuellement, au bonjour du matin.
Quelques uns semblent endormis, d’autres très attentifs. D’autres encore chuchotent ensemble de temps à autre ou chantonnent pendant le passage musical. Dans l’ensemble, le calme règne pendant la présentation. On voit des sourires, des sourcils qui se relèvent, des yeux qui s’ouvrent de temps à autre ou encore des larmes.
A la fin de la présentation, on fait un petit tour de salle. Des préférences s’affichent d’emblée : » Il me fait pleurer moi celui qui parle des deux papis : ça me rappelle plein de choses, moi aussi je pourrais écrire un livre sur ma vie. » « Le pilote et le petit prince et Django sont deux livres que j’ai envie de lire. Ça me rappelle Jean Mermoz, mort dans son avion alors qu’il livrait du courrier pendant la guerre. » Les livres sont choisis, feuilletés et passent de main en main. Une dame se plonge dans la lecture du Casque d’Opapi et le lit entièrement, d’un trait. Elle nous dira garder ses impressions et commentaires pour la lecture partagée qui s’en suivra. Le livre des sœurs Koumba rencontre un vif succès de la part de tous pour ses belles images. »Vivement que les lectures partagées commencent« , voici la conclusion collective et unanime à l’issue de la scénographie.
Murielle DAUMUR, animatrice à l’Ephad de Semur en Brionnais (71)
Un verre
Je suis la bibliothécaire de l’établissement scolaire de la Tour-de-Peilz en Suisse. En novembre dernier, j’ai suivi la présentation de la 9ème édition de 1, 2, 3, albums à Bibliomedia – Lausanne. J’ai été enthousiasmée par le projet.
En janvier, je me suis mise à l’ouvrage en préparant le matériel fourni par Livralire. Cette première étape m’a motivée encore plus pour présenter les albums. J’ai ensuite contacté une enseignante de l’établissement. Elle a tout de suite été d’accord et nous avons répété ensemble. Le 9 mars, nous avons joué la scénographie. Ce fut un très bon moment. Les élèves, âgés de 11 ans, ont suivi avec intérêt et attention notre prestation, même les plus réfractaires à la lecture ! Deux autres enseignantes étaient présentes, elles suivent toutes deux ces élèves, l’une pour les arts visuels et l’autre pour l’histoire et la géographie. A la fin, les enfants et les enseignantes se sont déplacés pour mieux voir les personnages et les albums.
Ce fut un plaisir partagé et les enfants sont repartis avec les albums. Je me réjouis de pouvoir en parler avec eux lorsqu’ils les auront lus. Je prévois de refaire la présentation avec la classe des enfants allophones qui suivent des cours intensifs de français, et d’autres classes encore.
Merci pour cette belle idée.
Laurence
La découverte du Casque d’Opapi avec les CAP cordonniers 1ère année aura été mouvementée et nous aura obligées à rebondir. Résumé du déroulement.
1/ Lecture épicée à deux voix : les jeunes écoutent attentivement.
2/ Impressions à vif avec les smileys de couleur : 3 verts – 3 oranges – 1 bleu.
Le jeune qui n’a pas aimé l’album me demande de lire tout haut le commentaire qu’il a écrit : « C’est un manque de respect, nous ne sommes pas des gogols. Quand j’étais animateur, je lisais le même genre d’histoire aux enfants pour les calmer ». Je cache comme je peux ce coup de massue. Je dis à l’élève que les enfants ne sont pas des « gogols » et que cet album, contrairement à ce qu’il croit, n’est pas pour les petits. Les autres se taisent.
3/ Claire, leur professeur de lettres, leur propose de lire à voix haute l’album à cinq Bacs pros carrossiers qui ont déjà voyagé l’année dernière. Ils refusent. Claire leur raconte les deux lectures faites l’an passé par des cordonniers 2e année devant leurs professeurs, le CPE et l’assistant d’éducation. Va pour une lecture devant l’équipe pédagogique, mais pas des pairs.
4/ Le lendemain, Claire leur lit quelques lettres de poilus, puis passe en revue avec eux les composantes d’une lettre personnelle : date, formule d’appel, corps de la lettre, formule de politesse, signature. Les jeunes doivent se mettre à la place d’Emile et rédiger une lettre de poilu. Voici celle de Jeffrey datée du 11 septembre 1914 :
Ma chère belle et tendre Dulcé,
Cela fait depuis mon départ que mon cœur saigne de douleur. Ici au bataillon : les choses se compliquent. Nous avons creusé des tranchées pour nous protéger des attaques ennemies. J’aurai préféré être auprès de toi et voir notre fils grandir et l’aider dans son éducation. Car cette guerre m’est insupportable : combien de temps je devrai encore souffrir en voyant mes compagnons d’armes mourir ou être blessés par les boulets de canon ?
Mais il y a quand même des moments, nous pouvons moi et mes compagnons nous reposer autour d’une partie de cartes, cela me permet d’oublier cet enfer où je suis blessé de l’extérieur et de l’intérieur, mais je tiendrai.
En attendant de te retrouver ma Dulcé et toi mon petit Gérard, je vous dis adieu ou au revoir, car je ne sais pas si je reviendrai.
Ton cher mari Emile
Cécile BEYER, campus des métiers, Bobigny (93)
Aux Quatre-saisons à Sainte Hélène (71), chaque lundi, Christelle, l’animatrice, et moi faisons aux résidents une lecture épicée d’un album. L’an passé, nous nous installions dans une petite salle polyvalente fermée qui, le succès venant, s’avère trop petite. Nous occupons maintenant le grand salon ouvert. Pour que la vingtaine de personnes assises en profite, nous avons dû organiser l’atelier en deux temps successifs. D’abord, la lecture épicée démonstrative et commune face au groupe puis, en demi-groupe, un feuilletage de l’album au plus près, Christelle et moi ayant chacune un exemplaire en main. Nous tentons des échanges. Pas facile. Certains s’assoupissent, d’autres ont la mémoire qui flanche. MAIS…
Hier, c’était le tour du casque d’Opapi. Un monsieur totalement sourd, affalé dans son fauteuil roulant, redresse la tête. Il me sourit quand je lui montre les images. Un autre qui s’était isolé sur une banquette de côté, loin du groupe et des livres, me voyant ranger m’interpelle : « Vous avez parlé de la guerre 14-18. Je connais plein de choses là-dessus ». Comme je lui dis que ça m’intéresse, sa langue de délie. Né en 1927, il a connu sa femme quand il était au régiment à Verdun. Quand il marchait dans Douamont, son beau-père lui racontait la guerre. Et lui, rétif au groupe, semble content de parler seul à seul. Conclusion : l’installation ostentatoire des lecteurs dans le salon, passage obligé vers les chambres, a du bon.
Les albums de cette année et ceux des éditions précédentes sont en libre-accès en « facing » dans un panier glissé dans le meuble bibliothèque. Pour encourager la (re)lecture individuelle des aînés et du personnel, m’est venue l’idée de laisser dans le salon, sur un pupitre bien en vue, le livre du lundi qui devient le livre de la semaine. On a prévu une photocopie couleur de la couverture, posée en « fantôme » sur le chevalet, pour le cas probable où le livre sera parti vivre sa vie dans une chambre.
Cette semaine, Le casque d’Opapi.
La semaine passée, Un toit pour moi et ses livres cousins : deux sur les habitats animaliers : Un toit à moi (Milan), Maisons (De La Martinière, mon imagier photo découverte) et un sur les maisons du monde : J’habite ici (Milan, épuisé).
VML
L
Le conte musical « Halb, l’autre moitié » créé en 2011 à Saint Priest sera joué en mars 2015 :
– à Poligny (39), le samedi 7 mars 2015 : : http://www.moulindebrainans.com/648-fr.html
– à Villeurbanne (commune qui jouxte Lyon – 69) en ouverture du salon du livre jeunesse le mercredi 25 mars 2015.
Deux séances : 15h et 18h.
Entrée gratuite sur inscription : http://goo.gl/forms/byxwUzmC4N
A Noiron (21), Sabrina la bibliothécaire continue son jumelage inventif avec les seniors de sa commune. Les élèves de CM1/ CM2 leur ont envoyé une invitation à venir découvrir les albums avec une question : « Si je devais redessiner le monde, comment je le ferais…. »
Le jour de la rencontre, les enfants ont joué la scénographie, puis les seniors, nombreux, ont répondu à la question des enfants. L’un d’eux a dit :
» Je redessinerais simplement le monde sous la forme d’une goutte d’eau, l’eau c’est la vie ! Dans cette goutte d’eau, j’y mettrais des parfums, la joie, le bonheur, la lumière, la vie… Ensuite des milliards de gouttes différentes, réunies, formeraient une pluie, puis une mer porteuse d’unité malgré les tempêtes. Cette goutte d’eau, c’est chacun de nous humains. Quand ceux-ci se font confiance, les gouttes s’unissent et font de leurs différences des complémentarités fécondes porteuses d’espérance ».
Les enfants, très influencés par les événements de janvier à Paris, ont ensuite partagé par des dessins et des mots leurs souhaits pour un monde différent : plus d’amour et de beauté, moins de misère et de violence, maintien de la liberté d’expression, suppression des religions et de la mort. Ils rêvent de ne manger que des bonbons, ne plus aller à l’école. Ils veulent un monde rigolo, doux, arc en ciel.
La confrontation des propositions a donné lieu à des échanges riches.
Et si on allait plus loin ? Plus loin que des vœux pieux. Si on répondait à l’invitation de l’écrivain marocain, Abdellatif Laâbi, qui termine son poème « J’atteste » par cette phrase. « J’atteste qu’il n’y a d’être humain que celui qui, dès qu’il ouvre les yeux au matin, se pose la question : que vais-je faire aujourd’hui pour ne pas perdre ma qualité et ma fierté d’être homme ? «
(dans l’anthologie, Je rêve le monde assis sur un vieux crocodile, Rue du monde)
VML
Après chaque lecture épicée qu’elle fait seule ou avec des collègues, Cécile, la documentaliste du campus des métiers à Bobigny (93) demande aux jeunes de matérialiser leur ressenti sous forme d’un smiley au dos duquel ils peuvent apposer quelques mots.
Les smileys verts (j’aime beaucoup), orange (j’aime moyennement) et bleus (j’aime pas) s’empilent au dessus du visuel de couverture de l’album correspondant et sous les maximes qui ont servi d’appât à la scénographie.
Ainsi se constitue un thermomètre des appréciations qui :
– donne la parole à chaque auditeur
– enregistre les premiers ressentis
– interpelle les visiteurs du CDI
– donne de la lisibilité au projet.
Double suggestion Livralire :
Ce graphique évolutif peut servir à mesurer les impressions de lecture individuelle.
On peut donner aux smileys une signification permettant une réflexion plus intériorisée :
– Cet album me dit quelque chose sur moi ou sur le monde
– Cet album me fait quelque chose
– Cet album m’indiffère
VML
Après la lecture épicée de La guitare de Django, faite à trois voix, nous avons proposé aux apprentis cordonniers (1ère année) de préparer une interview du chanteur. Ils inventent des questions qu’on met en commun. Le lendemain, chaque apprenti vient écrire au tableau une question de son choix. Le groupe s’interroge : peut-on répondre à l’aide de l’album ? Si non, on fait une recherche sur internet ou dans une encyclopédie.
Voici le résultat de l’interview
– Qui êtes-vous Django ?
On me connaît sous le nom de Django. En réalité, je m’appelle Jean-Baptiste Reinhardt.
– De quelle origine êtes-vous ?
Je suis d’origine tzigane, c’est la même famille que les Gitans.
– Quand et où êtes-vous né ?
Je suis né en 1910 en Belgique, très beau pays.
– Pourquoi avez-vous choisi de devenir musicien ?
Je ne sais ni lire ni écrire. Mais jouer de la musique, c’est une tradition dans ma famille.
– De quel instrument jouez-vous ?
A la base, je jouais du banjo mais depuis quelques temps, j’ai changé, je suis passé à la guitare.
– Expliquez-nous pourquoi ce changement d’instrument ?
Ce n’était pas un choix ! A l’âge de 18 ans je me suis endormi dans ma roulotte, car je vis dans une roulotte, et un incendie s’est déclenché par je ne sais quel moyen pendant mon sommeil. Heureusement que des membres de ma famille sont venus me sortir de là sinon j’y serai passé. Dans cet incendie, j’ai perdu deux doigts et ma main gauche a été endommagée. Donc je ne pouvais plus utiliser le banjo car les cordes étaient trop dures. Alors, mon frère Joseph me conseilla d’utiliser la guitare car ses cordes étaient plus souples. J’étais au bout du rouleau. Mais ce qui m’a donné de l’espoir, c’est lorsque ma femme m’apporta mon fils. J’ai eu une forte envie de jouer de la guitare que Joseph, mon frère m’offrit pendant mon séjour à l’hôpital.
– Quel type de musique jouez-vous ?
Je qualifierais ma musique de jazz moderne.
Cécile Beyer, documentaliste au campus des métiers à Bobigny (93)
Lire un album à voix haute à un groupe, ça ne s’improvise pas.
Il faut que le présentateur :
– connaisse l’histoire
– ait préparé sa lecture
– soit à l’aise avec le texte
– sache comment tenir son livre bien ouvert face au public tout le long de la lecture
– s’assure que les illustrations sont lisibles de loin, même par les auditeurs installés sur les côtés
Quand le texte est court, écrit gros et que les illustrations envahissent la page comme pour Les cinq malfoutus ou Un toit pour moi, tout va bien.
Quand le texte est dense, la typographie en italiques ou en couleur comme dans Le Casque d’Opapi, il faudra détourer le texte (Livralire le fait systématiquement) et le lire de derrière, l’album étant posé sur un pupitre ou un chevalet (de bois ou de carton) posé sur une table.
Quand les illustrateurs font des dessins de petite taille, superposent ou enchaînent plusieurs techniques, quand les auteurs sont bavards, la réception est difficile pour le public installé en vis-à-vis. Pour gagner en lisibilité et en audience, on peut échapper provisoirement au support livre et faire une mise en espace de l’histoire qui en facilite sa compréhension et donne envie d’aller soi-même ensuite à l’original.
Ainsi nos propositions pour ces albums :
Le Pilote et le petit prince : un présentoir à assiettes dont la forme évoque les illustrations rondes de l’album.
Elle est où la ligne? : deux cahiers évolutifs à spirales
Les sœurs Koumba : une randonnée sur table
Le verre : un tableau vivant
Les quarante animatrices de voyage qui ont joué les lectures épicées en atelier mené par Livralire ont confirmé que ces lectures dynamiques, partielles ou intégrales, à une ou plusieurs voix leur étaient indispensables pour partager les albums :
– avec les adultes qui ont des troubles cognitifs
– avec des jeunes, soit comme chemin d’accès avant la lecture, soit comme représentation de l’histoire après qu’on l’ait lue.
Sans compter que les lecteurs peuvent à leur tour s’en emparer et les jouer pour d’autres à qui ils vont passer les livres. Les lectures épicées sont des outils précieux pour la chaîne de lecture que crée 1, 2, 3 albums.
Merci à Emmanuel Delorme, Véronique Guyon, Catherine Rizet, Marie -France Vidal qui les ont imaginées avec moi.
VM Lombard