Mardi 16 janvier, nous avons, Annie Mangematin et moi, joué la scénographie à la maison des seniors de Chalon devant une classe de 6eme du collège Camille Chevalier et quelques seniors de la ville, les résidentes des foyers logements invitées ne nous ayant pas rejoints comme prévu.

L’alignement final (ses camarades tiennent les albums à bout de bras) intrigue un élève : «Quand est-ce que vous avez organisé ça ? ». Un autre s’étonne qu’il y ait 7 oiseaux et 8 livres. Chaque oiseau est alors posé sur l’album qui lui correspond, et l’on voit bien que les oiseaux de Théophraste ne sont pas encore rentrés de leur collecte de nouvelles du monde !

Des lectures partagées par petits groupes de deux ou trois suivent. Le seul monsieur présent (en dehors de l’enseignant) a invité un garçon à regarder avec lui les Robinsons de l’île Tromelin, fier de le guider dans cette histoire vraie qu’il connaissait déjà.
Une dame qui a découvert Nos plus grands rêves avec trois jeunes filles très attentives aux détails des illustrations dit, en partant : « Je ne côtoie pas de jeunes de 12 ans. C’est gai et intéressant votre façon de faire. Comptez sur moi au prochain atelier lecture! »

D’ici juin, nous aurons 3 autres rencontres intergénérationnelles, la dernière consacrée au vote, les deux précédentes centrées sur un album : Nos plus grands rêves et Bonnes nouvelles du monde.

En effet, Emmanuel, le professeur de lettres prévoit que ses élèves préparent pour les aînés un échange sur les rêves des uns et des autres (fin février), une revue de presse des bonnes nouvelles du monde (en avril). Entre temps, en classe, il lira et fera lire 5 albums en lien avec les thématiques au programme de 6ème : « Résister au plus fort » et « Récits d’aventure »Cours, Naya ou la messagère de la nuit, Les Robinsons de l’île Tromelin, L’Histoire extraordinaire d’Adam R. et L’Orchestre recyclé.

Pendant ce temps, un mardi sur deux, Annie et moi, nous lirons les albums aux seniors, en discuterons, présenterons des livres cousins et préparerons avec eux de quoi rebondir aux propositions et créations des collégiens.
Véronique M  Lombard

Dans la scénographie de mise en bouche des albums, on présente les personnages principaux (reprographies autorisées par les éditeurs) et des objets importants pour le récit (photos noir & blanc tirées par Marie-Anne Wettstein).

Comme elle visionnait le film de la scéno, Alexandrine Civard-Racinais, auteur des Robinsons de L’île Tromelin a noté une anomalie dont elle nous a fait part :

Les fotsy, les blancs, rescapés du naufrage de l’Utile ont construit un véritable bateau miniature et non un radeau ou une pirogue. Le terme « grande pirogue des blancs » employée par Tsimiavo relève d’un langage imagé. Enfant malgache, elle n’a pas de mots techniques pour parler d’un tel moyen de transport et utilise par défaut le mot Sambo, pirogue en usage à Madagascar.

Conclusion : la photo de pirogue qu’on a choisie ne convient pas. Un bateau à voile comme celui de la photo ci-contre aurait fait l’affaire. C’est évident quand on relit le texte. « Les audacieux nageaient jusque l’épave et récupéraient des morceaux de planches, de mats ou de toile. Les femmes confectionnaient les voiles. Ils ont même construit une forge pour façonner des pièces en fer. »

Nous les terriens, on a appris quelque chose et c’est tant mieux. Et qui sait ? Peut-être les échanges autour de cet album-documentaire porteront sur la navigation d’hier et d’aujourd’hui, notamment dans les groupes de voyageurs du collège de l’île de Mooréa en Polynésie ou de la bibliothèque de Capbreton !
VML

Début janvier, j’ai reçu un mail d’une certaine Anne-Claire qui cherchait un album, lu il y a une dizaine d’années dans le cadre d’1, 2, 3 albums. Indices : jeune femme, poterie,  Birmanie. Il s’agissait de Princesse Laque (Syros), album qui faisait partie de la sélection en 2008. Comme je lui communiquais le titre, malheureusement épuisé, cette  jeune femme, comptable et grande lectrice, de me raconter : 

«  En faisant une énième tentative de rangement de ma bibliothèque, je suis tombée sur un livre que j’avais découvert au CDI et que j’avais acheté après la rencontre avec l’auteur. J’ai eu alors envie de rechercher les titres des livres que j’avais lus au collège Saint Dominique (Chalon-sur-Saône). De tous les albums que j’ai lus pour 1, 2, 3 albums (et je les lisais tous, y compris ceux qui ne me tentaient pas beaucoup) Princesse laque est celui qui m’a le plus marquée. C’était un des premiers livres que je lisais qui se déroulait en Asie, et je me souviens d’avoir demandé à ma mère beaucoup d’explications sur le contexte. L’Asie continue de m’attirer même si je centre plus mes lectures sur le Japon et la Chine et je pense que cet album et ses illustrations ont participé à mon attrait pour ce continent.

D’1, 2, 3 albums,  je garde le souvenir d’une de mes amies qui n’aimait pas lire et qui pourtant était enthousiasmée par certains albums. De plus à l’époque, j’étais très romans et je ne lisais peu ou pas d’albums. Ce projet a été l’occasion de découvrir ce genre littéraire. Aujourd’hui ma préférence va toujours aux romans, mais j’aime rechercher de belles éditions illustrées et tous ces souvenirs m’ont donné envie de redécouvrir les albums lus à l’époque et d’en découvrir de nouveaux. Merci encore pour cette magnifique aventure qu’a été 1, 2, 3, albums ! »

Ce témoignage vaut bien un album. Notre exemplaire Princesse Laque va partir chez Anne-Claire.
VML

Face à la colère de 30 000 pétitionnaires et aux interventions de plusieurs personnalités, la SCELF (Société Civile des Éditeurs de Langue Française) a fait marche arrière.

Les lectures qui s’effectuent dans un cadre non marchand continueront à être libres  jusqu’en 2023 ! La mesure impliquant déclaration préalable et taxe est suspendue pour 5 ans.  Pourquoi pas définitivement ?

Lisons à voix haute plus encore qu’avant et restons vigilants ensemble.
VML

Livralire, association spécialisée depuis 30 ans dans l’organisation de dégustalivres, créée  pour chaque album choisi pour 1, 2, 3 albums une lecture « épicée », c’est-à-dire une lecture à voix haute participative et dynamique, partielle ou totale, brute ou mise en scène.

Or voilà que la SCELF, Société Civile des Editeurs de Langue Française, veut taxer les bibliothèques qui s’en empareraient et exige qu’une demande d’autorisation soit faite au moins trois mois à l’avance ! La taxe toucherait toutes les lectures publiques, même sans billetterie, à hauteur de 30 € HT minimum.

Persévérer dans cette voie reviendrait à condamner les lectures épicées non seulement dans les bibliothèques mais aussi probablement dans toutes les structures dans lesquelles le voyage lecture est proposé : prison, accueil de jour, hôpital, Ehpad, maison de quartier, écoles, collèges, lycées…

Persévérer dans cette voie serait dissuasif pour les organisateurs et reviendrait donc à priver des milliers d’enfants et d’adultes éloignés de la littérature de cette transmission orale et visuelle finement préparée, qui :
– aide à faire sens
– fait goûter la langue
– apporte évasion, poésie, émotion
– pose des questions sur le monde
– appelle des souvenirs et libère la parole
– crée et nourrit des échanges

Sans compter que dans 1, 2, 3 albums, après avoir entendu et lu les textes, les voyageurs les colportent à d’autres par lecture à voix haute : des jeunes aux aînés et inversement, des patients d’un service à ceux d’un autre service, des élèves à d’autres ou même à des profs, des apprenants adultes au grand public à la médiathèque, etc… Ces lectures solidaires vont-elles également disparaître ?

Dans un pays où le premier ministre, le ministre de l’éducation et la ministre de la culture affichent publiquement, chacun à leur façon, leur soutien à la lecture et en font une priorité, osons espérer que l’intelligence va l’emporter sur l’argent et qu’on pourra continuer à lire à voix haute librement et partout dans la ville. Souhaitons également que la mobilisation des auteurs, bibliothécaires, enseignants, lecteurs bénévoles, simples amateurs de lecture ou parents d’enfants porte ses fruits.

Et une fois la menace éloignée, formulons le vœu que la pratique de lecture partagée s’intensifie, notamment en secteur adulte des bibliothèques.  « Les livres, c’est formidable. Mais ce qui compte, c’est la lecture »*. Pour cela, il faudra développer une vraie politique de lecture publique avec, plus que l’accès aux livres, l’accès aux textes, individuellement et surtout collectivement et à voix haute ! Il y a urgence ! Comme le montrent les derniers chiffres de l’édition, les ventes de littérature sont en baisse** !

Véronique  Marie Lombard

* Edouard Philippe : Des hommes lisent – JC Lattès, 2017  (page 81)
**  L’édition en 2017, coup de roulis, Le Monde des livres, 11 janvier 2017

Pour s’informer, plusieurs articles sur ActuaLitté.
Pour dire son attachement à la lecture à voix haute, libre et gratuite : une pétition, Shéhérazade en colère !

Petit montage fait par Fanny Maugey pour rappeler ou montrer comment Livralire travaille la mise en bouche d’albums. Les supports pour réaliser cette animation sont remis aux animateurs d’1, 2, 3 albums 12 qui, en janvier et février 2018, la joueront à différents publics, à la bibliothèque ou dans les établissements de la ville : collèges, lycées, Ehpad, centres de soins, maisons de quartier, ateliers de lutte contre l’illettrisme, centre pénitentiaire, etc…

Le fil conducteur de cette 12e scénographie est celui des oiseaux.

Pour faciliter les lectures en groupe et à voix haute, Livralire crée pour chaque album une lecture « épicée », dynamique et participative. Celles de Naya, Nos plus grands rêves, L’incroyable histoire de l’orchestre recyclé et Bonnes nouvelles du monde, ont été envoyées aux animateurs et animatrices d’1, 2, 3 albums, le mercredi  20 décembre. Les 4 autres suivront en janvier 2018.
A chacun de lire, d’interpréter et d’adapter la fiche technique, de s’exercer avec des collègues puis, le temps des lectures, d’associer des personnes du public pour les voix secondaires.

Véronique Lombard animera 3 ateliers où s’exercer :
– celui du 1er février 2018 à Mâcon est complet.
– celui financé par le département de Côte d’Or (le 26 janvier à Longvic-21) affiche complet si tous les pré inscrits confirment leur participation.
– La Bibliothèque Départementale de l’Yonne offre et organise pour la première année cette journée : le jeudi 25 janvier de 9h à 17h à Migennes (89). Renseignements et contact :  marlene.francois[at]yonne.fr
Cet atelier est réservé aux voyageurs de l’Yonne.

Le hasard fait parfois bien les choses. Le 9 décembre, je sortais d’une après-midi à la maison des acteurs du Paris durable, dans le Marais, où j’avais écouté un jeune agronome parler de son travail sur les prairies sous-marines en Méditerranée. Passant devant l’ancienne halle du quartier, je vois du monde s’y presser pour un salon de la BD. J’entre juste par curiosité, car je ne suis pas une grande amatrice de ce genre. Mais surprise, je reconnais dans un angle du bâtiment les grands aplats bleus de l’album Méditerranée. L’auteur serait-il dans les parages ? Oui, il sera là dans un petit moment, me dit-on.

Quinze minutes plus tard, je le trouve derrière une table recouverte d’une nappe bleue, en train de dédicacer ses ouvrages à l’encre noire.
« Pour moi le Marseillais, cet album c’est un cri de rage, un coup de gueule face au cimetière marin qu’est la Méditerranée. Un jour après l’annonce d’un nouveau naufrage, j’ai étalé des feuilles blanches par terre et, en 15  minutes, j’avais brossé toutes les vagues bleues. Il n’y avait plus qu’à écrire un texte et à faire publier l’album par Gallimard qui le trouvait  bien dur pour des jeunes mais voulait tout de même en être l’éditeur ! Le dilemme sera résolu en omettant volontairement la mention jeunesse ! »
Baudoin a eu l’air sincèrement touché par le fait que son album serait lu par des gens de 10 à 100 ans. J’espère pouvoir lui transmettre les retours des lecteurs.
VML

La tournée de lancement du 12e voyage-lecture intergénérationnel est terminée. Les participants, routards, novices ou découvreurs, ont dit apprécier particulièrement la mise en bouche des albums avec les oiseaux comme témoins des histoires du monde

La scénographie de présentation des albums, légère et peu coûteuse à monter, est diffusée en kit à tous les animateurs du voyage-lecture déclarés. A eux de la préparer (éventuellement se la prêter), se l’approprier, la répéter (à l’aide du film disponible à partir du 12 décembre) puis la jouer devant des groupes ciblés et/ou, comme le feront plusieurs bibliothécaires, devant des individuels rassemblés à l’occasion de la nuit de la lecture, le 20 janvier 2018.
VML