Pour la 3ème année consécutive, nous organisons, à Pierre de Bresse, des « mercredis de la lecture« avec 5 adultes de langue étrangère. Ceux-ci ont apprécié ces rencontres. Chacune d’elles a permis d’aller au-delà du livre. Il y a eu de véritables échanges au cours desquels nous avons pu, lecteurs comme « écoutants », découvrir la culture des pays de chacun. Ce fut une confrontation très riche que de constater les différences ou les similitudes de nos cultures. Les adultes ont été parfois désorientés par les expressions « très françaises » déroutant quelque peu la compréhension de l’histoire.
L’expérience fut tellement riche et fructueuse sur le plan relationnel qu’elle s’est terminée par un barbecue chez l’un des lecteurs français de langue étrangère. Bien sûr, dès la rentrée, les séances reprendront, avec un aménagement : je transmettrai le texte aux apprenants avant la lecture en commun, afin qu’ils puissent prendre connaissance du vocabulaire et entrer plus vite dans l’histoire.
Michèle Bretin, bénévole Lutiléa Louhans (71)
*FLE = Français Langue Etrangère
Laure Mercati, professeur de lettres au collège de Marin, associée à Luciana Della Rovere, bibliothécaire à la Tène, a vécu 1, 2, 3 albums avec ses élèves de 10e (équivalent 4e en France). Elle a proposé un canevas de lecture qui devrait intéresser les personnes qui cherchent comment développer des compétences langagières à partir des albums. L’idée de l’interview nous semble particulièrement intéressante.
1/ Chaque élève a résumé chaque album et indiqué un point fort et un point faible du livre.
Exemple : Barbara à propos d’Un verre
Résumé : Cet album raconte l’histoire d’un garçon qui perd sa mère peu après sa naissance. Il crée ensuite un lien très fort avec sa belle-mère. Les points positifs : L’histoire est sérieuse. Le sentiment que nous transmet ce livre me plaît. Le point négatif : Le livre est très court. |
Exemple : Mory à propos d‘Un toit pour moi
Résumé : Magnus Philodolphe Pépin ne voulant plus dormir chez le lérot qui sent très fort, décida de créer son propre habitat. Il va en visiter plusieurs pour enfin s’en créer un à son image. Unevraie citadelle serait son rêve ! Mais l’on ne s’improvise pas architecte et la citadelle s’écroula. Ce que j’ai aimé : Je trouve une morale qui pour moi est qu’il ne faut pas voir trop grand. Ce que je n’ai pas aimé : Les illustrations trop enfantines. |
2/ Chaque lecteur a dressé son hit parade de lectures
3/ Chaque lecteur a choisi un album et a préparé une interview afin de guider la discussion qui suivrait la lecture. Il a sélectionné un adulte de son entourage (ou plus s’il le désire), lui a fourni l’album à lire et a discuté ensuite de cette lecture grâce à la grille d’entretien préparée en classe.
Exemple :
Lis-tu souvent ? Plutôt quand?
Comment as-tu trouvé ce livre ? Pourquoi ?
As-tu aimé le contexte ? Pourquoi ?
Lisais-tu ce genre de texte quand tu étais petit(e)?
Quels seraient les 2 points essentiels de cette histoire ?
Y-a-t’ il un âge pour ce genre d’histoire ? Pourquoi ?
Est-ce-que tu pourrais donner un autre titre à cette histoire ?
Quel personnage as-tu préféré ? Pourquoi ?
Quel est le personnage principal ?
Est-ce que les images sont bien dessinées ? Si non pourquoi ?
Le projet et l’interview ont été présentés aux parents dans une lettre qui se terminait ainsi :
« Si vous êtes l’adulte sélectionné, vous êtes donc invité à vous plonger dans la lecture de cet album. Vous vous laisserez ensuite guider par les questions proposées par l’élève à un moment que vous aurez convenu au préalable. L’élève prendra des notes et rapportera vos réponses en classe afin de garder une trace de cet échange et d’apprendre à compiler des réponses d’interview (délai : 18 mai). La sélection complète de 1, 2, 3 albums est disponible à la bibliothèque ».
VML
Rencontre intergénérationnelle à Déols (Indre). Les jeunes de la maison des enfants ont fait une présentation théâtralisée des Sœurs Koumba, très vivante, avec texte lu, texte dit, musique, images, objets -maison comme la case africaine construite par les plus jeunes.
L’interprétation terminée, ils ont installé le baobab, à côté du chêne « Joseph Lebrun », toujours en place. Ils y poseront des photos. Quoi de mieux que des arbres pour symboliser la force des liens qui se construisent entre ces deux groupes d’âge différent mais que rapproche la vie communautaire. (Quel sera le 3e arbre ?).
L’exercice a donné envie aux jeunes de faire de l’impro et d’aller plus à l’extérieur. La rencontre a procuré aux aînés un moment de plaisir inégalé et fut pour tous une rupture avec un quotidien pas toujours facile.
Véronique – Bibliothèque de Déols
à la maison de retraite
Voici un bel exemple de création d’un conte par un apprenti cordonnier selon un protocole conçu par Claire, professeur de lettres, et décrit par Cécile, documentaliste, dans l’article du 15 juin : Conte, de l’écoute collective à la création individuelle.
Il était une fois, dans une cordonnerie spécialisée dans la chaussure, deux apprentis et leur chef d’apprentissage. Jason le joyeux mais sérieux quand il faut, et Dylan, qui ne prenait rien au sérieux et qui était jaloux de Jason. Ce dernier était chouchouté par le chef d’apprentissage qui détestait Jason pour sa vitesse de compréhension et son travail.
Voyant qu’il ne restait qu’un mois avant que leur formation finisse, le chef les convoqua :
– « Aujourd’hui, je voudrais que chacun à votre tour, vous me fassiez une chaussure. Je vous laisserai ma boutique y compris tout ce qui est dedans pour avoir toutes vos chances de réussir. A vous de choisir qui passera maintenant et l’autre, l’après-midi. »
– Moi ! s’exclama Dylan. Jason n’eut pas le temps de terminer sa phrase que lui et son patron furent obligés de quitter la cordonnerie.
Dylan prit la chaussure et alla en atelier collage. Il vit un petit pot de colle et l’ouvrit. « J’aime mon ami pinceau pour le dosage, mais gare au gaspillage ! » chantonna la colle. Dylan n’en avait rien à faire. Il prit le pinceau et engloutit les trois quart de la colle en la passant sur la chaussure. Ensuite, il continua sa route. »Oh non ! Comment vais-je faire pour coller d’autres chaussures ? Méchante personne ! Tu seras puni pour ça ! » dit la colle en sanglotant. Lire la suite
des soeurs Koumba
Au campus des métiers, chaque lecture épicée des Sœurs Koumba a remporté un franc succès : belle écoute et très bonne réception. Applaudissements à la fin de la première, cris pendant la seconde : « elle va se faire dévorer par le fils » (au moment où Koumba avec maman est sous le lit) et, à la troisième séance, grande discussion avec un apprenti sur l’existence des djinns.
Travail et création
Claire, professeur de lettres, a embrayé avec deux classes (1ère année CAP cordonniers et Bac pro mécanique) sur le conte et sa structure.
Elle a fait une présentation puis une explication du schéma actanciel.
Elle demande ensuite aux élèves de :
– remplir le schéma actanciel des sœurs Koumba
– réaliser, dans le cadre de leur programme, une production faisant appel à l’imaginaire: rédiger, en une trentaine de lignes, un conte en miroir à la manière des sœurs Koumba, ancré dans leur univers professionnel.
Elle a organisé le travail créatif en trois étapes.
1/ compléter son propre schéma actantiel (à partir d’un actanciel vide) en imaginant les différents personnages de son conte et l’objet de leur mission.
2/ imaginer les différents lieux où se déroulera son conte sans oublier qu’il devait s’ancrer dans son domaine professionnel (garage, atelier de peinture, lieu de dépannage, bureau…)
3/ construire (en complétant un tableau) l’identité (nom et prénom) + portrait physique et moral de ses personnages : héros 1 et 2, adjuvant 1 et 2, opposant.
Bilan : Les jeunes ont été motivés pour écrire. L’exercice a bien fonctionné et nous a permis de découvrir, à travers leurs textes, leur univers professionnel.
Perspectives : L’an prochain, créer avec eux un vrai livre électronique (type Calaméo) avec enregistrement de leur lecture et pourquoi pas musique, photos d’objets et de lieux de leur univers professionnel réalisés, en collaboration avec les profs d’arts appliqués.
Cécile Beyer, documentaliste
Il n’y a pas que Philodolphe Pépin (Un toit pour moi) qui dessine des plans de maison.
A Sens (89), les ados du lycée professionnel Ste Colombe, font des plans d’habitat puis décident de mettre en commun leurs capacités et de fabriquer une cabane à lire écologique construite en matériau de récupération : 360 briques de lait exactement !
A Semur en Brionnais (71), dans le cadre de leur rencontre intergénérationnelle régulière, un des participants propose d’écrire un texte autour d’Un toit pour moi. C’est avec plaisir et fierté qu’il le lit aux enfants, toujours très heureux et enthousiastes de revoir les aînés. A la fin de la lecture, les élèves dessinent la maison de leur rêve. Deux semaines plus tard, les nombreux dessins sont offerts aux résidents. On admire la maison papillon, la maison des cœurs, la maison à oreille ou encore la maison bonbon. Au retour à l’EHPAD un temps d’échange est programmé avec les autres résidents pour leur faire partager ces bons moments et leur montrer les beaux dessins. C’est un bon moyen de reparler du livre en question, de le feuilleter encore une fois….
cabane à lire et maisons de rêves
Cette année, à la clinique du pré Poitiers (Nevers), après lecture en groupe du livre Et si on redessinait le Monde, nous avons proposé un atelier d’écriture. Les patients sont sortis d’hospitalisation assez rapidement après cette séance, c’est pourquoi ils n’ont pas publié eux-mêmes leurs textes. En voici deux que nous avons conservés ; les autres ont été emmenés par leurs rédacteurs.
Le premier texte a été écrit par une personne qui affirmait ne pas savoir lire. Après rédaction d’un petit texte accompagnée, elle a accepté de le lire elle-même devant le groupe :
« Moi si je redessinais le Monde, je ferais un Monde PARFAIT où tout le monde seraient ÉGAUX. Un Monde sans souffrance, sans maladie, sans guerre… Je ferais un Monde où tout le monde seraient HEUREUX. Je ferais un Monde tout BLEU parce que j’aime cette couleur et j’enlèverai le noir qui représente le chagrin, le mal-être et la tristesse! Je garderai les FORETS, la MER et le SOLEIL ; j’enlèverai la tristesse, les accidents, les viols et les meurtres !Moi si je devais redessiner le Monde, il serait sans violence, il serait PARFAIT! »
Le deuxième texte a été rédigé par une personne confuse qui en se concentrant a réussi à donner un sens à ses pensées :
« Moi si j’avais à redessiner le Monde, je le redessinerai de 3 façons. Je le ferais comme une pièce de monnaie, il n’y aurait pas de famine (surtout en Afrique) et il y aurait égalité des sexes (tous égaux en droit).
J’en ferais une note de musique, une clé de sol toute en couleur comme l’illustration du bouquin ».
Très bonne expérience que ce groupe écriture ! Un partage d’idées, des rires, de l’expression ! Beaucoup de bien-être en fin de séance !
Mélanie Fragata, soignante
A l’EHPAD de Semur en Brionnais, voter n’est pas synonyme de fin de voyage autour des albums puisque les lectures partagées avec l’école du village se prolongent jusqu’à la fin de l’année scolaire.
La grande implication et le plaisir de transmettre des quatre résidents qui m’accompagnent dans les classes chaque jeudi après midi est à souligner. Preuve en est puisque chaque rencontre est préparée au préalable. On se réunit, on relit ensemble le livre et on décide du temps de lecture de chacun. « Il est essentiel de s’exercer et de rendre la lecture plus vivante ». On se sert du matériel réalisé pour la scénographie: les cagettes nous accompagnent systématiquement. On utilise les lectures épicées pour les plus petits, on bricole, on rafistole…
Muriel DAUMUR et son équipe
Au collège Paul Eluard à Evry (91), ce sont les élèves allophones qui ont embarqué en solitaires pour ce premier voyage. Nous avons modestement caboté, au gré des lectures, selon le nombre d’élèves à bord lors de chaque séance. J’ai effectué les lectures épicées. A la charge des élèves de résumer ce qu’ils avaient compris et de coller un smiley de couleur sur un tableau commun selon leur ressenti par rapport à l’histoire. Les jeunes avaient également la possibilité d’emprunter chez eux et, pour chaque album lu, de relever un mot qu’ils ne connaissaient pas et d’en trouver la définition.
Pour finir, chaque élève a essayé de dessiner son propre monde, influencé par sa vie quotidienne, dont le cours n’est pas toujours tranquille. Voici quelques propositions:
Bilal : Je veux dessiner un monde où tout le monde se respecte.
Banuha : Je dessinerais un monde avec des arbres, des maisons, une école, l’hôpital…
Youssouf : Je dessinerais un monde gentil, sans racisme et sans violence.
Mohammed : Je veux un monde où il y a des transports même à la campagne, il n’y a pas de terroristes ni de pays pauvres.
Yusuf : Je ferais la fraternité pour tous les pays. Je ferais l’égalité pour les femmes et les hommes. Je ferais la sécurité pour mon pays.
Rony et Galya : Dans mon monde, il y aura des écoles pour les orphelins et les enfants qui vivent normalement.
Yaya : Je veux aider les gens pauvres et les gens qui ne mangent pas bien
Younès : Je dessinerais un monde avec des voitures qui volent.
Nathalie Peresse, professeur-documentaliste
Cette année, à la bibliothèque Montriond de Lausanne, nous avons embarqué avec :
– quatre maisons de retraite (= EMS)
– un complexe d’appartements protégés
– une classe de jeunes émigrés en recherche d’emploi
– deux classes du secondaire par l’intermédiaire des bibliothécaires scolaires
– un groupe de femmes de l’association « Appartenance » (accueils aux migrants)
Les rencontres entre les jeunes et les aînés ont été très belles : les participants, contents, parlent déjà de la façon dont ils procéderont l’année prochaine. Ils ont tous acquis une belle autonomie et nous les suivons de loin en loin, après la présentation scénographiée.
Les rencontres entre le groupe de jeunes migrants et la Fondation de l’Orme (psycho-gériatrie) restent chères à notre cœur d’année en année. Lors de la présentation des 10 albums, tous semblent s’observer du coin de l’œil, puis, peu à peu, au cours des rencontres organisées par l’animatrice et le maître de classe, les contacts s’établissent avec une grande pudeur, les connivences s’installent.
Dans deux EMS, nous avons animé des lectures épicées. A chaque rencontre, alors que nous rappelions qui nous étions et ce que nous venions faire, il y avait deux ou trois dames qui ne se rappelaient pas de notre dernier passage, nous demandaient des précisions à son sujet et finissaient par s’exclamer que, bien sûr, elles ne pouvaient pas s’en souvenir, puisqu’elles étaient arrivées là il y a 3 jours à peine ! Néanmoins, à chaque rendez-vous, une certaine familiarité s’est installée entre nous et j’ai à chaque fois observé et été émue d’assister à l’éveil provoqué par les lectures.
Chacune des résidentes avait une histoire différente, face au livre et à la lecture : certaines avaient beaucoup lu, lisaient encore, d’autres pas du tout. Mais toutes se retrouvaient dans un même groupe et écoutaient ensemble la même histoire : c’est une expérience que nous connaissons dans l’accueil des classes, où des enfants de milieux différents reçoivent la même animation et réagissent chacun à leur façon. Cette fois-ci, nous l’avons vécu avec des aînés, de l’autre côté du chemin de la vie.
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